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Cette probation, cette période d’épreuve, de spécialisation et de perfectionnement, n’est pas pour nous, Français, une conception absolument nouvelle. Nous disions tout à l’heure que l’épreuve préliminaire d’où l’on sort probationer correspond à ce que l’on appelle chez nous épreuve d’admissibilité : la période de probation correspond au temps que l’on passe dans nos écoles publiques, dont l’École polytechnique est à l’heure actuelle le type le plus élevé ; l’examen qui termine cette période correspond à ce que nous appelons examen d’admission ou plutôt de sortie ; enfin, nous rencontrerons une dernière institution qui tient lieu de notre école d’application. Le système anglais n’est donc pas, en principe, aussi différent du nôtre qu’on pourrait le croire. Son originalité consiste surtout dans l’ingéniosité et la prudence des détails d’exécution. Nous venons de le constater pour le programme de concours préliminaire ; nous le constaterons plus d’une fois encore.

Ce qui caractérise la période dite probation, c’est que le probationer la passe où il lui plaît. On n’exige de lui que ceci : qu’il satisfasse à l’examen final. Il peut d’ailleurs le préparer où bon lui semble, soit dans sa famille, soit dans une école de son choix[1]. Toutefois, l’Inde a évidemment intérêt à ce que cette préparation soit le plus complète possible et le plus solide. Cela lui permet, en effet, de maintenir plus haut le niveau des études et de n’accepter que des fonctionnaires d’un réel mérite. Pour y arriver, elle met des bourses de 100 livres sterling (de 300 livres autrefois, quand la probation durait deux ans) à la disposition des candidats qui s’engagent à suivre les cours d’une des universités ou d’un des collèges qu’elle leur désigne. Ces universités et ces collèges sont répartis dans le royaume, en Angleterre, en Écosse, en Irlande, de façon à n’imposer aux élèves de chaque région que les plus courts déplacemens.

Qu’il suive les cours de ces écoles désignées ou qu’il travaille par ses moyens propres, le probationer demeure toutefois sous l’autorité des commissaires civils et entretient avec eux des rela-

  1. Ce système a évidemment de grands avantages : il est un excellent moyen de décentralisation ; il dispense les familles de gros sacrifices pécuniaires, enfin il laisse aux jeunes gens beaucoup d’indépendance et d’initiative. En revanche, il n’offre pas certains avantages propres aux écoles d’application. Dans une école d’application unique où les élèves d’une même catégorie sont en rapports constans avec des professeurs de choix, on leur imprime plus facilement l’enseignement nécessaire en même temps qu’on arrive à les mieux connaître. Les professeurs, les directeurs, les comparent et les classent ; ils savent quel est leur caractère et leur valeur intellectuelle et morale ; ils peuvent deviner quels services ils seront capables de rendre. À la vérité, ces pronostics, tirés dès le temps d’école, ont bien leurs côtés fâcheux, mais ils en ont aussi de bienfaisans.