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colonial, qui verse chaque année de 500,000 à 600,000 francs pour encourager les volontaires, sous forme de subsides, fournitures d’armes et de munitions, distributions de récompenses, a fini par s’en émouvoir. Une enquête officielle fut prescrite l’année dernière : elle prouva que l’autonomie, fort belle chose en politique, porte des fruits désastreux dans le service militaire. On se fait inscrire, on parade cinq ou six fois, puis on se dégoûte ou l’on disparaît. L’uniforme qu’on restitue n’habillera pas une autre personne. Il a été payé par la caisse commune. Il restera en magasin. Souvent le franc-fileur oublie l’arriéré de sa cotisation ou ne rend point ce qu’il a reçu. La loi fournit des moyens de poursuivre, mais ordinairement le jeu n’en vaut pas la chandelle, les frais de justice seraient trop lourds. La discipline n’existe pas ; le tir est mauvais. Affligées de ces révélations, les personnes qui ont quelque souci de l’avenir proposent des réformes. Les trop nombreux petits corps seraient fondus autant que possible en régimens ou bataillons. Hélas ! des bataillons, des régimens avec 3,700 hommes dont un tiers travaille ! On attacherait aux nouvelles formations tactiques des adjudans payés, empruntés à l’armée anglaise. Les volontaires, munis de certificats, obtiendraient de préférence certains emplois civils. Enfin, et c’est ici que la saine doctrine commençait à montrer le bout de l’oreille, ils seraient un tant soit peu soutenus par la loi dans l’exercice d’une volonté faiblissante. Ils ne s’engageraient pas pour moins d’une année et ne quitteraient leur corps avant ce terme que dûment autorisés. Leur présence aux manœuvres périodiques deviendrait obligatoire, quitte à les indemniser.

Nous ignorons si cela suffirait pour donner au Cap une armée capable de gagner la bataille de Constance. Mais lorsqu’on aspire au titre et aux privilèges d’une nation, il faut prendre bravement son parti de sacrifier quelques libertés personnelles sur l’autel de la patrie, orné de canons, d’obus et de carabines. L’afrikandérisme se fera milicien ou il ne sera pas. Et nous lui souhaiterons alors une autonomie de taille à punir les Jean Bart comme à écarter les Münchhausen.


CHARLES DE COUTOULY.