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Cape-Town, peut-être, changeait de nom et s’appelait Capstadt. Ce débarquement s’accomplirait tout aussi bien en n’importe quel lieu du littoral proche ou éloigné.

Les seules troupes anglaises qu’il y ait dans la colonie sont cantonnées à Cape-Town et à Wynberg, bourgade voisine : un bataillon et un détachement d’infanterie, soit dix compagnies ensemble ; deux batteries d’artillerie de forteresse, une compagnie du génie et des services auxiliaires. A peu près douze cents hommes en tout. Le Natal, qui n’est pas autonome et qui a charge du Zoulouland, possède une garnison plus considérable ; mais l’effectif des forces de toutes armes placées sous les ordres du général de division (lieutenant-général) commandant en chef dans l’Afrique du Sud avec résidence au Cap, n’équivaudrait chez nous qu’à celui d’une moitié de brigade d’infanterie au complet.

C’est encore bien plus qu’au Canada et surtout en Australie.

Or, au Canada, il existe une milice territoriale de soixante mille hommes avec une réserve, dit-on, de six cent cinquante mille. Si ce pays, de cinq millions d’âmes, a pu se donner une pareille armée, le Cap, comptant quinze cent mille habitans, dont les deux tiers, il est vrai, sont de race noire, devrait avoir une milice blanche de six mille hommes sur le pied de paix et d’au moins soixante mille en temps de guerre. Ceci constituerait déjà une sérieuse garantie, car il n’est guère probable qu’une puissance européenne encourrait volontiers les chances de durée d’une lutte non circonscrite aux environs de Capo-Town ; l’enjeu même n’en vaudrait plus le risque. Lorsqu’ensuite la fédération des États sud-africains sortirait du domaine des vœux et des rêves, ses forces réunies ne manqueraient pas d’une certaine importance.

En 1873, une loi minutieuse avait réglé l’organisation de milices sur la base du service universel et obligatoire, de dix-huit à cinquante ans ; mais elle ne fut jamais mise en pratique. Cet acte dépassait un peu la mesure du possible. Et d’abord, à côté de la garde nationale blanche, — continuation de l’ancienne Burger-macht hollandaise, sous le nom de Burgher force, — il en instituait une noire. La première était alors évaluée à quarante-six mille hommes ; la seconde dite « levée » (levy) ne comportait pas moins de soixante-dix-sept mille individus à inscrire. C’était un système bien dangereux, et quand les colons d’origine hollandaise devinrent prépondérans en politique, ils combattirent ce principe. En outre, on n’avait pas assez tenu compte des difficultés, ni surtout de la dépense. Depuis 1884, la tenue au net des listes de milice est tombée en pleine désuétude.

On renonçait à la nation armée dans le moment même où