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côte. Quelques baraques en planches, à toits de tôle, logent une petite communauté européenne de dix à douze familles. Un village d’indigènes, plus loin, groupe ses misérables huttes autour d’un puits d’eau saumâtre. Séjour peu enchanteur dont l’heureux magistrat, M. Rolland, fils d’un ancien missionnaire français au Bassoutoland, disait dans son laconique rapport de 1887 : « Je n’ai, au point de vue officiel, rien à mander de non satisfaisant, comme aussi rien d’important, de l’insignifiante étendue de sable nu qui est décorée du titre de district, »

C’est pour ce lieu digne de servir à la déportation, et qui n’est même pas fortifié, que s’est élevée une dispute presque aussi vive que celle du French-Shore. Le Cap, en se l’appropriant, l’appréciait peut-être à sa juste valeur. C’était le port d’entrée du Damaraland. Les importations d’armes de l’Allemagne allaient avoir à passer par là. Ni Angra-Pequeña où l’eau manque, ni la baie Sandwich qui s’ensable, ne pouvaient le remplacer. Et les armes devaient venir, soit en guise de monnaie, soit parce qu’on songerait à organiser une force indigène ou à utiliser certaines tribus contre certaines autres. Et maintenant voici la situation : tout à l’entour de cette enclave de quatre cent trente milles carrés, l’Allemagne exerce son protectorat, compris comme souveraineté, sur une immense région dont la porte est précisément la baie Valfich. Il semble assez naturel qu’elle dise à l’Angleterre : — Faites-nous donc l’amitié de vous ôter de là ; en quoi cette baie vous intéresse-t-elle ? Vous n’y avez pas de station navale, vous n’en tirez nul parti, et il nous la faut. — Mais l’Angleterre de répondre : — Pas si vite ! La baie Valfich n’est plus ma propriété : elle dépend du Cap. Si le Cap, colonie autonome, ne veut pas s’en dessaisir, qu’y puis-je ?

En 1887, le schooner Meta, frété par la compagnie allemande de colonisation du sud-ouest africain, jetait l’ancre à la baie Valfich avec une cargaison de fusils. Il existait déjà en dépôt, dans les magasins de l’endroit, une assez grande quantité de munitions appartenant à la même société. En outre, la canonnière Habicht avait débarqué des armes de guerre et cinquante mille cartouches pour le compte du département de la marine à Berlin. Un chef namaqua, Hendrik Witbooi, qui avait des raisons de craindre ou d’espérer, suivant que ces moyens d’action lui seraient destinés ou tournés contre lui, s’approcha de la baie avec ses hommes et adressa au magistrat résident une curieuse épître pour demander s’il était vrai que l’enclave coloniale dût passer prochainement sous la juridiction de l’Allemagne, comme il l’avait entendu dire. Il