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couleurs britanniques sur la terre ferme, à Angra-Pequeña, venait encore d’être désavoué en 1866. Lord Stanley aurait peut-être suivi en cela une politique différente de celle de son prédécesseur si le ministère conservateur dont il faisait partie n’avait pas été près de sa chute. Actuellement il ne pouvait s’engager en rien au nom de l’empire. Les missionnaires allemands n’obtinrent aussi qu’une réponse évasive dans leur entretien avec le gouverneur Wodehouse. On le voit, dès cette époque, l’Allemagne prend soin de faire constater officieusement que ni l’Angleterre ni sa colonie n’entendent accepter une responsabilité dans la région d’Angra-Pequeña et de la baie Valfich.

Quinze ans plus tard, quand les missionnaires auront achevé leur œuvre, le négociant brêmois Lüderitz surgira tout à coup comme inventeur breveté du sud-ouest africain, et la marine allemande se chargera du reste. Mais que ce soit l’effet d’un plan mûri d’avance ou du train naturel des choses, le germe en est semé à l’heure juste où le Cap va recevoir son autonomie, c’est-à-dire entrer dans une ère d’embarras.


L’Allemagne aurait-elle poussé cette affaire avec la même vigueur sans les perplexités de la colonie et l’abstentionnisme de la métropole ? On ne sait.

En 1874, M. Disraeli formé son grand cabinet, celui qu’il va illustrer comme comte de Beaconsfield. Il ne goûte pas la réserve excessive des théoriciens de la décentralisation à outrance et de l’économie à tout prix ; il croit peut-être à un secret dessein de la politique allemande, il s’en inquiète, et, bientôt, le commandant Dyer, de la marine britannique, prend possession de la baie Valfich au nom de l’empire. Simultanément, le Cap s’annexe les îles côtières déjà proclamées anglaises, celles, entre autres, qui ferment le havre d’Angra-Pequeña. De cette manière on croit tenir les clefs du littoral. Roastbeef-Island méritait bien de devenir anglais !

Vienne le printemps de 1880 et le retour de M. Gladstone, la presse allemande, qui ne souillait plus mot de ces questions, annonce des projets à l’étude pour la mise en valeur du sud-ouest africain. L’été finit à peine que le foreign office fait sonder M. de Bismarck par son ambassadeur, lord Ampthill. Réponse : nous ne songeons pas pour l’instant à faire là-bas de la colonisation, si utiles qu’en principe puissent paraître des entreprises d’outremer. Pendant qu’un intérimaire de l’ambassadeur confirme les déclarations précédemment recueillies, M. Lüderitz achète à un roi nègre toute une province maritime. Ce ne fut pas, comme on l’a dit, pour une boîte à musique jouant la Wacht am Rhein. Ce