Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/460

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus sensuelles de l’année suivante, Hymne au soleil, A El.., et les promenades avec Julie dans les bois de Meudon, quand Lamartine eut rejoint son amie à Paris, au printemps de 1817. Quelle conquête pour nous ! Cet amour type, qui planait de si haut sur tous les amours du siècle, nous avons maintenant la joie de savoir qu’il n’a différé en rien des autres. Nous savons aussi que certaines Méditations, d’un caractère philosophique et religieux, comme l’ode à M. de Bonald sur le Génie, n’étaient qu’industrie d’amoureux : ayant appris que Bonald comptait parmi les plus notables habitués du salon de Julie, et voulant se ménager un bon accueil chez cet arbitre, Lamartine écrivit à Aix, en une soirée, son dithyrambe au philosophe dont il n’avait jamais lu une ligne. — « Mon adhésion à ses symboles que j’ignorais n’avait été qu’une complaisance à l’amour. » Nous savons enfin que le Crucifix ne fut « recueilli sur sa bouche expirante » que par métaphore poétique : Aymon de Virieu le rapporta, après la mort de Mme Charles, à l’ami retenu loin d’elle par la pénurie d’argent. Et l’on nous fait espérer un régal possible, la correspondance de Julie, conservée à Saint-Point dans un tiroir secret où il y aurait chance de la trouver. Pour Dieu, si cela est, qu’une main tutélaire brûle ces lettres avant l’arrivée des éditeurs !

Moins de deux ans après les heures tragiques, Lamartine est de nouveau à Aix, en train de conclure un mariage de raison. — « La jeune personne, écrit-il, est très agréable et a une très belle fortune ; il y a des penchans communs, une conformité de goûts, de sympathies, tout ce qui peut rendre heureux un couple qui s’unit. » Et un peu plus tard : « Je tâche de me rendre le plus amoureux possible. J’aurai une véritable perfection morale ; il n’y manque qu’un peu de beauté, mais je me contente bien de ce qu’il y en a... C’est par religion que je veux absolument me marier et que je m’y donne tant de peines. Enchâssons-nous dans l’ordre établi. » — « Ce qu’il cherche dans le mariage, c’est une situation, » ajoute le dernier biographe. Il se résout à publier les Méditations, comme une chance de gagner quelque argent et d’aplanir les obstacles. Le livre réussit dans les salons, moins bruyamment que nous ne l’imaginions à distance. Louis XVIII nomme le poète attaché à Naples, le mariage se fait. Les Nouvelles méditations naissent à Ischia, c’est un étrange pot-pourri du cœur, réminiscences de Graziella, de Julie, mêlées aux hymnes sur la félicité présente. L’été ramène le ménage à Aix ; et tandis que toute l’Europe pleure sur la douleur du chantre d’Elvire, dans ces eaux de Hautecombe, à jamais attristées par l’image adorée, les nouveaux époux se baignent gaiment ; la correspondance témoigne de leur allégresse.

A partir de ce moment, les soucis de carrière et les agitations pour l’avancement passent au premier plan dans la vie du poète.