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l’objet d’un revenu pour le trésor. Il se borna, dans le principe, à le frapper d’un simple droit de consommation ; mais bientôt il s’empara de ce commerce devenu très lucratif et ne permit la vente qu’en vertu d’une licence. Cependant le premier bail du tabac ne fut fait que plus tard, au mois de novembre 1674. Ce produit fut affermé pour six ans, avec le droit sur l’étain, à un sieur Jean Breton, à raison de 500,000 livres pour les deux premières années et de 700,000 pour les quatre autres. En 1720, la ferme du tabac fut cédée à la Compagnie des Indes, au prix de 1 million 500,000 livres. En 1771, elle rapportait déjà 27 millions.

Depuis cette époque, la ferme a été remplacée par le monopole : il est exercé par la régie, et le produit s’en est accru dans des proportions telles qu’il compte aujourd’hui parmi les revenus les plus importans du trésor. En 1821, l’honnête et candide Mérat, qui avait voué au tabac une haine farouche, trouvait exorbitante la somme de cent millions qu’il rapportait à l’État. Que dirait-il aujourd’hui que le monopole produit près de quatre fois davantage ? Il est vrai que nulle part en Europe le prix du tabac n’est aussi élevé que chez nous. Il ne revient pas à la régie à plus d’un franc cinquante par kilogramme, tous frais compris, et elle le vend 12 fr. 50. C’est du reste, hâtons-nous de le dire, un impôt parfaitement justifié et contre lequel personne ne récrimine.

Cette plante, objet de tant d’anathèmes, appartient à la famille des solanées et constitue un genre dédié à Jean Nicot. On la cultive dans le monde entier ; elle réussit également dans la zone tempérée et dans les régions intertropicales. On évalue à 450,000 hectares la surface qu’elle occupe sur le globe. En France, la culture n’est pas libre ; elle n’est autorisée que dans une quinzaine de départemens et en Algérie. Deux espèces de tabac y sont plus particulièrement cultivées : le tabac ordinaire ou grand tabac (nicotiana tabacum) et le petit tabac (nicotiana rustica).

La première est la plus répandue. C’est à elle qu’on a donné les huit ou dix noms sous lesquels on a successivement désigné le tabac[1]. C’est une grande et belle plante annuelle, atteignant jusqu’à deux mètres de hauteur. Sa tige porte de grandes feuilles alternes, d’un vert glauque, et se termine par une grappe de fleurs élégantes dont la corolle d’un rose pâle est supportée par un calice persistant à cinq divisions.

Le petit tabac ne dépasse pas une hauteur de cinquante à

  1. Herbe à Nicot, à tous maux, saine, sainte, de Ternabon, herbe à la reine, à l’ambassadeur, herbe de Sainte-Croix, du Grand-Prieur, buglosse antarctique, petun, jusquiame du Pérou, tabac mâle à larges feuilles, vrai, de la Floride, etc. !