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annoncer leurs interpellations contre la politique d’apaisement. On n’a pas eu de repos qu’on n’ait envenimé le conflit, qu’on ne l’ait porté devant les chambres avec l’intention d’embarrasser, d’entraîner le gouvernement lui-même. Soit, c’est fait ! L’esprit de secte a accompli son œuvre au moins momentanément et a peut-être interrompu le travail de conciliation qui se préparait. Cette nouvelle échauffourée des passions anticléricales ne laisse pas cependant d’être instructive.

D’abord il est bien évident que tous ces appels aux représailles contre le clergé, aux guerres religieuses, qui ne font que raviver les divisions, sont ce qu’on pourrait appeler de la politique à contretemps ; ils ne sont qu’un affaiblissement pour le pays, pour son influence morale, pour son crédit extérieur, et ne servent qu’à troubler cette union nationale qui est heureusement la force de la France. C’est ce qu’il y a de plus sérieux ; mais, de plus, ces débats qui ont assez tristement clos l’année après les illusions pacificatrices de l’automne, ces débats, qu’ont-ils été ? Quel intérêt nouveau ont-ils offert ? En vérité, on est frappé de voir, toutes les fois que ces questions se réveillent, se reproduire le même phénomène. C’est tout ce qu’il y a au monde de plus suranné. Tous ces discours qui se succèdent ne sont qu’un tissu de déclamations et de vieilleries qu’on a entendues cent fois, qui courent partout depuis trois quarts de siècle. Toutes ces histoires de M. le pasteur Dide, ces peintures des empiétemens du clergé, ces retours sur la théocratie, sur l’éternel conflit de l’Église et de la révolution française, datent pour le moins de 1825 ! Les jésuites, les congrégations, le parti prêtre, la domination des curés, est-ce qu’on n’en finira pas avec cette friperie oratoire de réunion publique ? Ces polémistes de tribune, qui croient être bien nouveaux, ne font que répéter des banalités usées, sans se rendre compte des transformations contemporaines, des droits de la liberté, du prix que peut avoir pour la France une politique de paix et de bonne intelligence avec le pape ; mais quoi ? Ils l’ont vu, ils l’ont lu, ils ont puisé leurs idées et leur instruction dans le dictionnaire Larousse ! Larousse, paraît-il, est la providence des députés dans l’embarras et même de M. le président de la chambre, qui l’appelle en témoignage I Décidément le progrès se fait sentir en tout dans cette bienheureuse fin d’année ! Le progrès aujourd’hui, c’est de fermer la France aux produits étrangers et de réveiller les guerres commerciales. Le progrès, c’est de désavouer toutes les idées libérales et d’en revenir aux vieilles déclamations contre le cléricalisme. Le progrès intellectuel, c’est le dictionnaire Larousse ! Le résultat le plus clair, ce n’est pas de hâter la dénonciation du concordat, la réforme des rapports de l’Église et de l’État, c’est de tout embarrasser, de tout compliquer, de remettre en doute tout ce qu’on croyait avoir conquis.

Eh bien ! c’est ici, dans ces affaires qui touchent aux plus sérieux