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LE BERRY.


rent au massacre en prenant la fuite dès que les troupes romaines entrèrent triomphantes dans la ville. Ils allèrent fonder Burdigala.

La prise de Bourges remettait sous la domination de Rome le pays comprenant la vaste presqu’île que forment l’Allier, la Loire et la Vienne. Les tribus gauloises ayant l’habitude de circonscrire leurs territoires d’après des limites physiques, montagnes, fleuves, forêts ou mers, on en a conclu, non sans une grande apparence de raison, que les Bituriges Cubiens s’étaient fixés dans le sinus tracé par ces trois cours d’eau.

Jules-César avait fait de la Gaule conquise trois divisions : la Belgique, la Celtique et l’Aquitaine. Après lui, son neveu et son héritier Auguste en forma quatre provinces appelées Narbonaise, Lyonnaise, Belgique et Aquitaine. Les limites de celle-ci, qui primitivement n’allait que des Pyrénées à la Garonne, se prolongèrent jusqu’à la Loire, et pour toujours, par suite de ce changement, les Bituriges passèrent de la Gaule celtique à l’Aquitaine agrandie. Cette Aquitaine fut elle-même partagée en deux gouvernemens ; l’un appelé la première Aquitaine, avec les cités des Arvernes, des Ruthènes, des Cambiovicenses, des Cadurques, des Lemovices, des Gabales et des Vellaves, avait Avaricum pour capitale ; l’autre, ou la deuxième Aquitaine, se composait des Bituriges Vivisci, fondateurs de Burdigala ou Bordeaux. Les Santons et autres tribus gauloises de l’ouest n’entrant pas dans notre sujet, nous n’avons pas à en parler.

Il faut faire remarquer qu’au ive siècle de notre ère, sous le règne d’Honorius et sans que le sénat et le peuple romain fussent consultés, la Gaule se divisait déjà en deux parties moralement bien distinctes ; divisions naturelles, dues simplement aux différences qui ne pouvaient manquer de se produire chez un grand peuple dont une partie habitait au sud et l’autre au nord ; dont l’un, celui de la langue d’oc, était un pays de droit écrit ; l’autre, langue d’oil, un pays de droit coutumier.

Le pays, habité par les Bituriges Cubiens, placé sur la rive gauche de la Loire, eût dû, par sa situation, être compris dans la langue d’oc, mais à la suite de longues et sanglantes luttes, il fut dominé par son antagoniste et voisin du nord, lequel, toutefois, ne se l’assimila jamais entièrement. Le christianisme, si pur et si puissant en Gaule à l’époque gallo-romaine, se conforma aux circonscriptions civiles qui délimitaient le territoire. La première Aquitaine fut donc une province ecclésiastique ; son évêque habhait la citémétropole des Bituriges, et, de même que le magistrat romain qui commandait à la province avait ses lieutenans hors de la capitale, de même, l’évêque d’Avaricum, qui ne prit qu’au ixe siècle le titre d’archevêque, avait ses vicaires à Clermont, Rodez, Albi, Cahors,