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les choux. C’est un labeur inouï autour de la tige, des contorsions incroyables, des accès de fureur comique, et pourtant le chou, quoique un peu abîmé, semble tenir à la terre par des racines d’acier. Survient un vieillard qui, avec des lunettes énormes sur le nez, après l’avoir lentement examiné, déclare gravement qu’il n’y a qu’une paire de bœufs qui puisse l’arracher de terre. L’attelage est amené, et alors, au milieu des cris étourdissans, l’opération finit par s’achever heureusement. Le chou enrubanné est porté sur le toit sous lequel doivent vivre les époux. Ce n’est pas fini : la maison de la fiancée doit être prise en quelque sorte d’assaut. La jeune femme, enfermée avec ses parens, écoute son fiancé qui, piteusement, chante du dehors, devant la porte close :

       Ouvrez la porte, ouvrez,
       Mariée, ma mignonne !
J’ons de beaux rubans à vous présenter,
Hélas ! ma mie, laissez-nous rentrer.


À quoi elle répond :

       Mon père est en chagrin,
       Ma mère en grand’tristesse ;
Moi, je suis une fille de trop grand prix
Pour ouvrir ma porte à ces heures-ci.


Il y a plusieurs variantes, et lorsque, dans le couplet final, le fiancé dit :

J’ons un beau mari à vous présenter,


alors la porte s’ouvre.

L’air de ces paroles est fort beau et empreint d’un grand sentiment de tristesse. Non moins joli est celui dont est accompagné le bouquet offert à la mariée par ses demoiselles d’honneur. En voici les paroles d’une simplicité charmante ; elles se chantent aussi, m’a-t-on dit, fréquemment en Bretagne, d’où elles viennent peut-être :

Prenez ce beau bouquet que ma main vous présente ;
Cueillez-en une fleur pour vous faire comprendre,
Que toutes vos couleurs comme elle passeront…

Pour aujourd’hui, la belle, ici, tout vous adore ;
Demain, il se peut bien que cela dure encore ;
Après-demain, la belle, il n’y faut plus songer !..