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ou des Français qui vivraient sur tel territoire géographiquement déterminé, mais une race nouvelle qui aurait peu de chances de valoir l’ancienne, car on connaît les tristes résultats que donne en général le métissage. Il se pourrait même que la race ancienne disparût complètement, se laissât mourir, prise d’une invincible tristesse de voir installés, sur ce sol où naguère elle régnait seule, ces étrangers plus ardens, plus aptes à la vie et au bonheur. L’histoire a vu de ces suicides mystérieux et muets de tout un peuple : ainsi disparurent les Étrusques.

Non-seulement une nation ne doit pas diminuer, mais elle a le devoir d’accroître sa population et de la jeter sur les parties de la terre désertes ou habitées par des races inférieures de façon à faire monter le niveau moral de l’humanité. Ces émigrans vivront mieux, la loi est qu’ils réussissent. Il n’en faut pour preuve que l’extraordinaire fortune économique des colonies anglaises de l’Amérique, de l’Australie et de l’Afrique du Sud. Quoi qu’en ait dit Mme Besant, les Anglais ont continué à émigrer, et ces fils lointains ne sont pas des enfans perdus. Ils ont emporté avec eux leur langue, leurs besoins, leurs habitudes originelles, ce sont les meilleurs cliens de la mère patrie, ils contribuent à la faire prospérer. Laissons, d’ailleurs, de côté ces considérations économiques qui sont connues ; ne parlons pas non plus de l’ordre divin : « Croissez et multipliez. » Mais il est des esprits, et non des moindres, qui pensent que peut-être il est bon pour l’humanité que le plaisir soit compensé parfois d’une douleur. La joie de l’amour, la femme doit la payer par l’enfantement, l’homme, par des préoccupations de chaque jour pour nourrir et élever sa postérité ; et c’est là peut-être la seule chose qui justifie et ennoblisse la volupté. L’homme qui n’a pas d’enfans demeure léger, inconstant. La femme, si elle n’est mère, n’a plus guère de but que le plaisir. Il ne suffit même pas que cet homme et cette femme se contentent d’une paternité limitée. C’est un fait trop fréquent que le fils unique ne connaît pas le respect et qu’arrivé à l’âge d’homme, il manque de virilité et d’initiative. Dans les familles nombreuses, au contraire, les enfans s’élèvent les uns les autres. Les parens, de leur côté, négligent moins leur devoir de direction parce que leur affection est moins folle et moins molle. « N’ayez qu’un enfant, dit très justement M. Dumont, vous en êtes l’esclave ; ayez-en six, vous êtes leur maître. » Et il fait remarquer avec raison que ce serait une triste armée que celle qui serait composée de fils uniques, ayant toujours vu l’intérêt de leur conservation passer avant tout autre, n’ayant ni endurance, ni instinct de la solidarité, ni habitude de l’obéissance. La diffusion des principes de la nouvelle école