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III

Si un affaissement de la natalité existe en Angleterre, et qu’il soit intéressant de le constater, il n’en faut pas exagérer la portée. La situation n’est nullement là ce qu’elle est en France. Il est bien vrai que la natalité a baissé de 5 pour 1,000 depuis quinze ans ; qu’il y a, sur les prévisions de 1881, un déficit de 288,000 naissances pour l’Angleterre et les Galles qui contiennent seulement les trois quarts de la population du royaume-uni. Mais qu’on n’oublie pas qu’il y a eu encore 3 millions de naissances, et c’est là un beau chiffre, surtout quand on songe que, dans la dernière période quinquennale, la France s’est enrichie à grand’peine de 200,000 habitans, dus en partie à l’immigration d’étrangers. Le seul fait est celui-ci : il y a tendance de la natalité anglaise à décroître. Seulement, une fois qu’on a excité les instincts égoïstes de l’homme, il est difficile de les réfréner. Actuellement, l’Angleterre ne court encore aucun danger, mais il y a pour elle menace de danger. Au moment même où nous écrivions ces lignes, Mme Besant faisait, dans une revue anglaise, une solennelle abjuration de sa foi malthusienne. Elle avoue que les conseils qu’elle a donnés ont été suivis, et que les résultats en ont été nuisibles à l’homme et à la race. Peut-être est-il bien tard pour faire une telle confession, maintenant que son livre a été lu par des milliers de personnes, traduit dans toutes les langues, et la ligue qu’elle a formée en pleine action. Elle a encouru une lourde responsabilité. Nous avons exposé, le plus impersonnellement possible, l’histoire du mouvement qu’elle a dirigé. Nous en avons indiqué les résultats. Qu’il soit permis maintenant de dire à cette âme sans équilibre qu’il est bien difficile de lui pardonner l’effrayante légèreté avec laquelle elle a jeté son pays dans une voie dangereuse. C’est une question trop grave, trop complexe, que celle de la population, pour que nous songions même à la discuter ici ; mais c’est une obligation absolue de déclarer qu’avoir prêché de gaîté de cœur la stérilité du mariage est une œuvre tout simplement monstrueuse.

Il est évident que ne pas diminuer de population est d’un intérêt vital pour un État civilisé ; car il deviendrait incapable de se défendre et serait bientôt envahi par ses voisins. Si par impossible cette invasion n’avait lieu par force, elle aurait lieu par infiltration pacifique, lentement, et les résultats n’en seraient pas moins funestes. A des croisemens nombreux avec des individus d’origine ethnique différente les anciens propriétaires du sol perdraient rapidement leurs qualités morales et physiques : ce ne seraient plus des Anglais