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être le régime du pays ? Rien n’était plus important, et pour les progrès de la pacification et pour l’avenir même de la possession nouvelle. C’est là un exemple de ce genre d’affaires mixtes que nous avons précédemment signalées, qui touchent à la fois à l’œuvre de la pacification et à l’œuvre de l’organisation. Elles s’imposent dès le premier jour à l’attention du conquérant ; il n’est possible d’en retarder ni l’examen ni la solution, et les mesures, qu’il faut prendre d’une façon nécessairement hâtive, ne peuvent manquer d’avoir sur les relations des vainqueurs et des vaincus les conséquences les plus considérables.

Le gouvernement de l’Inde, sur qui pesait la responsabilité de la mesure à proposer, sinon à prendre, n’ignorait ni l’existence, ni la complication, ni la gravité du problème.

Il fut un temps, encore voisin de nous, où les pouvoirs européens ne pratiquaient guère, envers les nations d’Orient, que deux politiques : ou bien ils concluaient avec leurs chefs un traité de commerce et d’amitié qui n’avait d’autre valeur que celle qu’eux-mêmes lui assuraient dans la suite par la fréquence de leurs rapports ; ou bien ils s’emparaient du pays, renversaient le pouvoir établi, se substituaient à lui et assumaient, vis-à-vis des nationaux et des étrangers, tous les droits et tous les devoirs. Notre époque, surtout depuis Dupleix, connaît d’autres politiques. Elle a imaginé des combinaisons intermédiaires, et qui visent à assurer au vainqueur autant d’avantages avec moins de charges. Les Anglais, depuis un demi-siècle, les ont presque toutes expérimentées, soit aux Indes, soit dans la péninsule malaise ; et, au moment de prendre un parti en Birmanie, ils se trouvaient à même de le faire en connaissance de cause.

Trois partis étaient possibles : le maintien, dans des conditions déterminées, de la dynastie régnante ; l’institution du protectorat de l’Angleterre ; l’annexion. Lord Dufferin, dans un mémorandum déjà cité, les a tous trois étudiés et discutés : nous ne pouvons mieux faire que de le prendre pour guide.

Toutefois, avant d’aller plus loin, remarquons encore, je n’ose pas dire la sagesse, — car dans cette affaire de Birmanie le hasard a eu autant de part que la raison et la prudence humaines, — mais l’efficacité des procédés de l’Angleterre. C’est l’Inde, — laquelle, on ne saurait trop le redire, est non pas une colonie, mais une vice-royauté, vivant de ses ressources et se développant à peu près en liberté, — c’est l’Inde, voisine de la Birmanie et particulièrement instruite de tout ce qui la concerne, qui, avec l’agrément de l’Angleterre, entreprend l’expédition et la dirige. C’est elle qui prépare et achève la pacification ; c’est elle,