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soumission, des délais toujours allongés ; c’est ainsi que le tsawbwa de Woonthou s’étant retiré dans les montagnes avec 2,000 hommes, ses éléphans et ses canons, on lui accorda toute une année pour revenir à résipiscence ; et quand on l’y eût amené, on le confirma dans sa semi-indépendance. La prudence, en cette occasion, alla même jusqu’à la faiblesse et la confiance jusqu’à l’aveuglement : l’événement l’a prouvé. Enfin le Shan states Act, rendu à la fin de 1888, laissait, comme l’avaient fait les anciens rois birmans, les chefs indigènes administrer eux-mêmes leurs districts sous la conduite et la surveillance du surintendant anglais[1]. De même, en 1887, on négocia avec certaines tribus des Chins ou Khyens pour obtenir leur neutralité et arrêter leurs incursions dans les vallées voisines. D’octobre 1886 à mars 1887, près de trente villages de la vallée de Kale avaient été pillés, plus de 80 paysans avaient été tués, 400 faits prisonniers. Un officier anglais, le capitaine Raikes, appuyé d’une forte escorte, fut chargé d’aller conclure avec eux un traité d’amitié. Il y réussit à souhait, et c’est seulement depuis peu que l’abandon de sa politique de conciliation a ramené des actes de violence. On pourrait citer d’autres exemples de cette prudente conduite. Sans doute cette partie de la politique anglaise en Birmanie ne fut pas, plus que les autres, entièrement exempte de fautes. Ce fut une faute, par exemple, que l’expédition contre les Ponkau-Kachins, où les Anglais ont, presque sans profit, subi beaucoup de pertes. Toutefois, dans son ensemble, la conduite du gouvernement envers les tribus vassales ou indépendantes peut être proposée comme un modèle de politique prudente et de sage modération.

Il faut en dire autant des négociations avec l’empire de Chine, qui aboutirent au traité du 24 juillet 1887 (ratification échangée à Londres le 25 août suivant). La Chine avait, de tout temps, élevé certaines prétentions sur la Birmanie. Ses prétentions étaient de deux sortes : d’abord un droit général de suzeraineté sur la Birmanie tout entière ; ensuite, spécialement sur le district de Bhamo et certains districts adjacens, un droit de véritable propriété. Elle faisait remarquer, à l’appui du premier droit, que la Birmanie lui avait régulièrement, et jusqu’à ces dernières années, payé un tribut décennal ; à l’appui du second, que, du côté de l’est, un angle du Yunnan pénètre profondément dans les territoires contestés ; que cette disposition des lieux l’avait, il y a fort longtemps, amenée, pour assurer la sécurité de ses frontières, à

  1. Ce n’est là d’ailleurs qu’un arrangement provisoire. Un jour ou l’autre, on fera des États shans une seule et même province, avec des administrateurs anglais. C’est en vue de préparer ce changement qu’on a rattaché les États shans, non pas au gouvernement central de Calcutta, comme les native states de l’Inde, mais au gouvernement local de Rangoon.