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était d’avis que, dans Patelin tout au moins, cet intérêt se trouve, il serait juste de répondre que, si les Précieuses ridicules et la Comtesse d’Escarbagnas sont des comédies et non des farces, l’excellence de Patelin s’explique parce que c’est moins une farce qu’une comédie dont l’auteur, devançant son époque, a trouvé, par un coup de génie, un cadre que ne lui fournissaient pas ses contemporains.

Il n’y a pas lieu d’insister sur la sotie, qui, par son cadre permanent, ses personnages immuables, avec leurs costumes, leurs noms et leur genre de plaisanterie, comme aussi et surtout par son inspiration uniforme de satire politique et sociale, a complètement disparu avec les confréries de sots et la liberté relative dont jouissait le moyen âge. Pourtant, je me demande si, dans la voie de comparaison où s’engageait M. Petit de Julleville, il n’aurait pas dû avancer, pour l’honneur de son sujet, que la sotie, perdant son inspiration, mais retrouvant un cadre du même genre, avait reparu avec la comédie italienne, où les sujets, les personnages et les costumes sont toujours les mêmes. Cette opinion n’eût guère été plus hasardée que le rattachement de la moralité à la grande comédie de caractères. En revanche, je ne fais aucune difficulté de reconnaître que le monologue, lui, a reparu, semblable à lui-même après plusieurs siècles, mais il se doutait si peu de son origine qu’il l’a ignorée, et pas plus aujourd’hui qu’autrefois il n’appartient à la littérature dramatique : avec son uniformité, sa platitude, souvent sa niaiserie, où l’admiration du comédien pour lui-même et pour lui seul se donne librement carrière, en lui procurant la scène entière, et en diminuant le plus possible la part de l’auteur pour augmenter dans la même proportion celle de l’interprète, il ramène le théâtre vieillissant aux jours de son enfance.

Serait-ce, enfin, le genre de style propre à la comédie du moyen âge qui aurait fourni assez d’élémens à la comédie classique pour établir entre les deux époques cette filiation que nous n’avons trouvée jusqu’ici ni dans l’esprit, ni dans le genre d’observation, ni dans les formes ?

On peut d’abord se demander s’il y a vraiment un style dans la comédie du moyen âge. Pour qui accepte la définition de Buffon, d’après laquelle « le style n’est que l’ordre et le mouvement qu’on met dans ses pensées, » la réponse n’est pas douteuse. Dans la façon d’écrire de nos vieux auteurs comiques, aucune préparation dans les développemens, aucun rapport dans l’importance relative des parties, l’idée essentielle noyée dans les détails. Comme dans les récits d’enfans, pleins à la fois de redondances et de lacunes, il semble qu’aucun auteur du moyen âge n’ait vu clair