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de travaux partiels avec une science et une justesse fort rares à ce degré et dans cet ordre d’études ; professé à l’École normale supérieure avant d’être écrit, il se distinguait par un caractère de clarté et de méthode dont un auditoire d’élite avait fait à l’auteur une loi. Sans doute, il y avait des erreurs de détail et assez nombreuses, mais elles étaient inévitables, car, dans un sujet aussi vaste, il eût fallu un spécialiste par chapitre, et somme toute, elles ne diminuaient guère la valeur de l’ensemble.

La sévérité des purs médiévistes envers ce travail tenait à plusieurs causes. L’érudit n’aime guère qu’un simple lettré domine le sujet où lui-même s’absorbe et il est porté à voir en lui un plagiaire ; il est peu lu et il a quelque rancune contre celui qui s’adresse à de nombreux lecteurs. Dans le cas particulier, les fervens du moyen âge, très complaisans pour l’objet de leurs études, s’en exagéraient l’importance ; or, le nouveau-venu, esprit juste et bien muni de comparaisons, ne pouvait partager leur enthousiasme ; par le fait même d’une exposition impartiale, il ramenait cet objet à sa valeur, considérable au point de vue historique, beaucoup moindre au point de vue littéraire. Les intéressés regardaient cette critique indépendante tout à la fois comme une irrévérence envers l’érudition, une erreur de jugement et une faute contre le patriotisme.

L’accueil fait à M. Aubertin n’a pourtant pas découragé un autre lettré, M. Petit de Julleville. Dans le sujet traité d’ensemble par son prédécesseur, il a repris une partie pour l’étendre dans des proportions considérables. Ce qui, dans l’Histoire de la littérature française au moyen âge, ne forme qu’un cinquième environ de l’ouvrage, a fourni, cette fois, la matière de trois volumes, uniquement consacrés au théâtre comique, et précédemment M. Petit de Julleville avait déjà publié un ouvrage complet sur les mystères. Le sujet est assez vaste pour se prêter à un pareil développement et il n’y a qu’à se féliciter de cette concurrence. D’autant plus que le nouvel auteur a les mêmes qualités d’esprit que l’ancien : absence d’engouement, méthode et clarté.

Je voudrais, sans oublier ce que nous devons à M. Aubertin, examiner les conclusions essentielles que M. Petit de Julleville tire de son enquête, c’est-à-dire rechercher ce qu’elle nous apprend sur le développement du génie comique dans notre pays. J’aurai à les contredire tous deux, car, si dégagés qu’ils soient de préjugés sur leur sujet, une étude aussi complaisante leur en a forcément laissé quelques-uns. Simple lecteur, il m’a suffi de me faire une opinion d’après les pièces du procès, rassemblées et éclaircies par eux. Au demeurant, cette divergence de vues n’enlève rien à ma