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LES DUPOURQUET.

dément, il le prenait de trop haut, et de quel droit, en somme ? Parce qu’ils avaient gamine ensemble, et joué comme tous les enfans à bout d’inventions à cette parodie des fiançailles ! Et elle avait eu cette patience de l’entendre, cette complaisance de paraître s’excuser pour ces vétilles qu’il lui rappelait d’un ton de goujat qui se croit le maître ! Cela passait les bornes en vérité.

Elle le regarda fixement, de très près, un regard qui disait son intraitable orgueil de petite bourgeoise exclusive, de fille ambitieuse, et d’une voix sèche, sans plus de faux-fuyant :

— En effet, répliqua-t-elle, c’est non !

Il ne songea même pas à la retenir cette fois. Elle s’éloignait parfaitement calme en apparence, avec une certaine afféterie d’allures, en se dandinant la tête haute, comme elle eût marché dans l’en-avant-deux d’un quadrille ; et lui la suivait des yeux, stupide, les bras retombés, dans un découragement de tout.

Alors, à la lisière du bois, entre deux genévriers, s’encadra la tête branlante et ridée du Terrible, et dans cette verdure claire qui s’étageait en vagues comme le bouillonné d’une étoile riche, sa peau semblait plus parcheminée, plus craquelée qu’à l’ordinaire.

Il contempla longuement Thérèse déjà loin, puis Julien qui restait là à la même place, abêti par ce dénoûment brusque, et un sourire malicieux lui renfonçait encore la bouche, une lézarde étroite et longue qui s’ouvrait entre les deux pans solides de son menton et de son nez.

— Hé, Julien !

Le gars se retourna tout d’une pièce.

— Voilà le soleil qui baisse, mon gouyat[1], la bruyère est en piles, il serait, ma fé, temps de charger les charrettes.

Puis, devant cette mine piteuse tournée vers lui, il eut un accès de rire, une gaîté croassante de vieux qui s’amuse aux dépens d’un jeune.

— Et quand tu resteras là à me regarder, ça n’avancera pas tes affaires au moins ! vois-tu, toi et moi nous sommes de la même espèce ; des paysans qui se connaissent à la terre plus qu’aux beaux discours, et savent mieux faucher une prairie ou tracer un sillon que causer avec les demoiselles !


VIII.

Depuis le retour de Thérèse, chaque dimanche après vêpres, les visiteurs affluaient au Vignal, tous avec une arrière-pensée qui

  1. Mon garçon.