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révolution qui a renversé la vénérable royauté pontifical est arrivée, en Italie et en Europe, à son dernier terme. Lui aussi, le frêle et vaillant vieillard, sur qui est tombée la succession de Pie IX, il s’était promis l’aide des monarchies et des gouvernemens. A. tous, à l’Allemagne, à l’Angleterre, à l’Autriche-Hongrie, à l’Espagne, à la Russie, à la France même, il ne se lassait point d’offrir l’alliance du saint-siège ; sa plume infatigable leur prouvait doctement que les intérêts des princes et des États et les intérêts de l’Église étaient connexes. Il ne désespérait point de trouver, au-delà des Alpes, un appui vis-à-vis de l’usurpateur subalpin. Peu de papes ont autant compté sur la politique et sur la diplomatie ; elles lui ont valu, en Allemagne surtout, quelques succès mêlés à plus d’une déception. Le vengeur de l’Église, vainement attendu, ne s’est pas encore levé, et rien n’annonce son approche. Aujourd’hui, l’on se demande, sous les loges vaticanes, si les cours et les monarchies ne seraient pas de précaires soutiens à qui oserait s’appuyer sur elles. On se demande si Rome ne va pas, une fois encore, être témoin des révolutions des États, et si le flot qui a emporté la royauté terrestre des papes doit longtemps s’arrêter au pied des trônes laïques, de droit héréditaire ou de droit populaire. On se dit que l’Eglise, qui a les promesses de la pérennité, ne doit pas s’enchaîner aux choses qui passent : ni aux institutions vieillies, ni aux dynasties vieillissantes ; qu’elle seule n’est point caduque, et que, autour d’elle, les formes politiques et sociales peuvent se modifier, sans que son antique jeunesse en soit atteinte. Après avoir vu le vieux monde passer de la cité romaine à la commune du moyen âge, et de l’anarchie féodale aux grandes unités monarchiques, pourquoi la papauté s’effraierait-elle d’assister à une nouvelle évolution des sociétés qui lui ont été données en héritage ? A-t-elle toujours eu tant à se louer des monarchies modernes, absolues ou constitutionnelles, que sa dignité ou sa liberté en doivent redouter l’ébranlement ? — Mais, s’il n’est pas du rôle de l’Église de faire obstacle aux transformations sociales ou politiques, il ne lui convient pas davantage de hâter l’écroulement des institutions édifiées par les siècles. Ce n’est pas à elle d’anticiper sur les solutions de l’avenir ; et, sans s’épouvanter des révolutions de demain et des ruines prochaines, elle n’a pas pour mission de les précipiter. A ses mains sacrées a toujours répugné la pioche des démolisseurs.

Certains voyans, lui montrant les signes entrevus à Sainte-Hélène par Napoléon, ont beau lui crier que, avant cent ans, l’Europe, comme l’Amérique, ne connaîtra plus que de libres républiques ; — certains Anglo-Saxons, lui représentant le déplacement graduel du centre de gravité de notre monde civilisé, ont beau