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l’Italien se tenait au-dessus de 90 francs, l’Extérieure se négociait entre 72 et 73 francs. Pour ne citer que ces exemples, les fonds d’États étaient presque tous cotés au niveau le plus élevé qui eût été atteint ou conservé depuis plusieurs mois.

Or, les symptômes peu rassurans surgissaient de partout. Non que la tranquillité de l’Europe parût menacée ; l’accord franco-russe était au contraire une nouvelle garantie de paix, et l’opinion publique, en tous pays, sauf en Allemagne peut-être, l’interprétait comme telle. Mais la récolte avait été insuffisante dans toute l’Europe, mauvaise dans quelques pays, très mauvaise en Russie ; on évaluait à des sommes énormes le montant des achats de céréales à effectuer en Amérique. La Russie édictait une interdiction d’exportation des seigles, étendue bientôt à d’autres céréales et aux pommes de terre. Argent serré, besoins considérables de capitaux, afflux moins importans aux caisses d’épargne, peut-être des excédens notables de retraits sur les dépôts, voilà ce que l’on prévoyait dès le commencement d’octobre pour la saison d’hiver.

Il y a plus. Une question du change surgissait en Italie et surtout en Espagne, et les cours de la rente extérieure, depuis longtemps immobiles, alors que la situation financière s’aggravait de plus en plus et que les cortès venaient de voter une loi qui semblait vouer la monarchie à la plaie du papier-monnaie, étaient tout à coup sérieusement menacés.

C’est au milieu de ces dispositions fâcheuses que le syndicat de l’emprunt russe 3 pour 100 entreprit de placer ce fonds à 79 ¾ pour 100, c’est-à-dire à un taux que ne légitimait pas assez le cours des fonds 4 pour 100. L’émission réussit dans une certaine mesure ; mais on déclara un succès extraordinaire, une souscription sept fois couverte, et la baisse très brusque, presque immédiate des cours, en parut d’autant plus étrange.

Les premiers coups, partis de Berlin, portèrent complètement effet ; ce fut comme une traînée de poudre. Le 4 pour 100 russe 1880 et le consolidé, l’emprunt nouveau, l’emprunt d’Orient, le rouble, l’Italien, l’Extérieure, les valeurs turques, le cuivre et le Rio-Tinto, les actions et obligations des chemins de fer espagnols, tout fut entraîné.

Il était difficile que la rente fût indemne dans cette violente tourmente. On observa que les achats de la Caisse des dépôts et consignations se réduisaient de décade en décade, et cette découverte encouragea quelques vendeurs. De 95 francs, le 3 pour 100 fut précipité jusqu’à 93.35.

C’est le 16 courant qu’ont été vus à peu près les plus bas cours, le rouble à 190 francs, l’emprunt d’Orient à 58, le 4 pour 100 1880 à 88, le Consolidé à 88, l’emprunt russe 3 pour 100 à 74 et même 73,