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petits, depuis la Norvège jusqu’à l’Espagne et au Portugal, ont certainement aussi leurs affaires, leurs différends intérieurs, leurs crises parlementaires ou ministérielles, leurs troubles économiques comme leurs embarras extérieurs.

Depuis quelque temps déjà, on le sentait, tout se préparait au-delà des Pyrénées, sinon pour un changement de politique, du moins pour un remaniement ministériel. Le ministre de la marine, l’amiral Béranger, s’était d’abord retiré, obsédé et irrité des attaques passionnées dont il était l’objet ; mais ce n’était qu’un incident personnel, le prélude insignifiant de la vraie crise qui vient d’éclater à Madrid et qui n’a, d’ailleurs, duré qu’un instant. Quel est le caractère réel de cette crise nouvelle dans les affaires espagnoles ? Le parlement n’était pas réuni. Le parti conservateur, qui a la majorité dans les cortès, ne paraissait pas menacé dans son intégrité, et le chef du parti, M. Canovas del Castillo, gardait toute son autorité. Il n’est point douteux cependant que, depuis quelques mois, une sorte de désaccord existait dans le conseil. M. Canovas del Castillo s’efforçait de renouer alliance avec ce qu’on appelle le parti réformiste et avec son chef, M. Romero Robledo, un ancien conservateur dissident qui a passé un peu dans tous les camps. Le ministre de l’intérieur, M. Francisco Silvela, homme habile, conservateur aux idées libérales, paraissait peu disposé à s’associer aux vues et aux combinaisons du président du conseil, à se faire l’allié de M. Romero Robledo. D’un autre côté, sont survenues des difficultés financières, économiques, commerciales, compliquées d’une crise de la banque, qui n’ont pas simplifié la situation et n’ont pas laissé de créer de graves embarras au gouvernement. Le dissentiment a dû s’accentuer et le moment est venu où il fallait en finir. M. Silvela était décidé à se retirer plutôt que de suivre le président du conseil dans l’évolution qu’il méditait. Le ministre de la justice, M. Villaverde, a proposé une démission collective pour rendre leur liberté à la reine et au chef du ministère. C’est ce qui a été fait, et M. Canovas del Castillo, demeuré libre, gardant la confiance de la reine, a reconstitué aussitôt son cabinet comme il l’entendait. Il a gardé quelques-uns de ses collègues, le duc de Tetuan, le général Azcarraga. Il n’a pas mis M. Romero Robledo au ministère de l’intérieur, ce qui eût paru trop désobligeant pour M. Silvela ; il l’a mis au ministère d’outre-mer qui a aujourd’hui son importance, et il a placé au ministère de l’intérieur M. Elduayen, un conservateur habile et conciliant. Il aurait voulu, à ce qu’il semble, appeler au ministère des finances, à la place de M. Cos-Gayon, qui n’a pas été heureux, un ancien libéral allié de M. Sagasta, M. Camacho. M. Camacho n’a pas cru pouvoir accepter, et le nouveau ministre des finances est M. Concha Castaneda, un sénateur plus expérimenté peut-être que connu.

En un mot, M. Canovas del Castillo a refait son ministère avec la