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et les autres. » Il reste ce qu’il est, un être irréductible : Rembrandt. Son programme est de n’en avoir aucun et, si c’est là le plus artistique des programmes, peut-être est-il permis d’ajouter timidement qu’au point de vue spécial de l’éducation dont il s’agit, ce programme qui consiste à n’en pas avoir nous paraît manquer un peu de précision. Ce n’est pas, nous dit à ce propos M. Langbehn, qu’il faille imiter la manière de Rembrandt ; ce qu’il faut chercher, c’est à s’inspirer des mêmes principes que lui. Rien ne serait plus faux que de faire du Rembrandt, comme autrefois on a fait de l’antiquité ; mais dans toutes les directions de la pensée, Rembrandt peut aider, « car il n’est pas d’artiste qui moins que lui ait tenu compte de la tradition, et il n’est pas de peuple qui, plus que les Allemands, aspire au joug de la tradition. Il est donc tout désigné pour être leur libérateur. »

On voit la thèse ; si thèse il y a, car au milieu de ces diatribes vertement exprimées, dans une langue pleine de chaleur et de mouvement, on a parfois peine à suivre la pensée de l’auteur. M. Langbehn abuse de la sonorité d’un instrument dont il sait, d’ailleurs, très bien jouer. Sans trop se soucier de l’à-propos de ses digressions, il ne sait résister ni à un mot heureux, ni à une image pittoresque, et mots ou images prennent trop souvent la place des idées, encombrent la marche du discours jusqu’à y faire disparaître toute trace de plan et de composition suivie. On reste abasourdi par la diversité des aperçus qui se succèdent dans ce livre consacré à Rembrandt, et non moins étonné des rapports plus ou moins forcés qui peuvent rapprocher les uns des autres des paragraphes dont je copie ici les titres disparates : Hypnotisme, Zoographie, Acoustique, Darwinisme, Science objective et Science subjective, Spiritisme, Swedenborg et Hamlet, le Professeur allemand, Dubois-Reymond, Conception mécanique du monde, l’Art et la Mode, etc. Comme l’a remarqué plaisamment l’écrivain anonyme de la brochure Est, est, est, qui signe un paysan de la basse Allemagne : « Je dois avouer que, par malheur, je ne suis pas en mesure de suivre l’auteur de Rembrandt als Erzieher dans l’examen de toutes ses croyances philosophiques ou de ses considérations scientifiques. Je n’ai pas, à beaucoup près, la moitié du savoir universel de Rembrandt, pour être ainsi à même d’étudier et d’apprécier à fond ses idées au sujet du spécialisme, du système du monde au point de vue organique ou mécanique, des hautes mathématiques, des diverses doctrines philosophiques, des contrastes et des analogies de la poésie et de la philosophie, et de tant d’autres questions qui surgissent à chaque instant dans ce livre. » Et quand à côté de ce désordre des idées on voit à chaque