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instant ! Est-ce à l’ambassadeur de la reine ou au fonctionnaire ornemental que votre discours s’adresse ? Souffrez, selon le cas, que je change d’habit. » C’était une comédie, mais une commodité. Sir Hercules Robinson cumulait, en effet, le titre de gouverneur avec celui de haut-commissaire, et ne l’oubliait pas.

Après plus d’un an d’hésitations, de stériles pourparlers et de fausses manœuvres, le parlement du Cap, saisi de dégoût, vota la désannexion du Bassoutoland. L’Angleterre, populaire chez les noirs parce qu’elle ne se piquerait pas de trop les administrer, accepta le pays, mais aux conditions suivantes :

La colonie verserait tous les ans un subside d’entretien équivalent à la somme des droits de douane perçus dans les ports sur les marchandises à destination du territoire bassouto, — 500,000 francs en moyenne.

Et si les Bassoutos, un beau jour, n’appréciaient plus l’avantage de posséder dans leur sein des résidens anglais, qui les laisseraient d’ailleurs bien tranquilles, la Grande-Bretagne ne serait pas tenue de leur continuer sa protection.

Il adviendrait ce qui pourrait.

À ce marchandage long et pénible, tout le monde avait souffert dans sa dignité, hormis les sauvages. Les finances coloniales étaient ruinées pour longtemps. L’Angleterre, tout en tirant ses grègues du mieux possible, reprenait moralement le fardeau qu’elle avait secoué. Et le nouveau régime du Bassoutoland, qui dure encore par des miracles de patience, est à la merci du hasard.

Le cabinet qui avait remplacé celui de M. Sprigg, un cabinet présidé par sir Thomas Scanlen, en fut si malheureux qu’il rêva de rendre aussi à la Grande-Bretagne d’autres objets ayant cessé de plaire. C’étaient le Transkei, le Bomvanaland, le Tembouland, le Noman’s land et quelques semblables lands, habités par des Cafres dans l’est du pays. Mais les grands magasins de Londres ne reprennent pas toujours la marchandise portée. Au Cap, le parti hollandais commençait à se sentir des ailes ; il ne voulait pas, en prenant son essor, choir du nez sur le sol. La colonie ne pouvait confesser ainsi un manque de force assimilatrice. On jeta les hauts cris ; le phylloxéra, qui venait de faire son apparition, servit de prétexte, et le ministère Scanlen tomba, troisième victime de l’autonomie.

Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin : ce fut le troisième jour.

Mais le quatrième allait venir.


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