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III. — PREMIERS RÉSULTATS DE L’AUTONOMIE.

Peu après son émancipation, le Cap se mit sur les bras une guerre cafre. Des mesures sans doute imprudentes provoquèrent le soulèvement des Gaïkas ou Xalékas, mince peuplade. Il était bien entendu que le faible détachement de l’armée anglaise laissé en garnison à Cape-Town, par faveur, ne devait en rien prêter son concours dans une affaire comme celle-ci. Autonomie oblige. Celle-ci était un peu forcée, mais n’importe. J’ai de votre aptitude au gouvernement de soi-même, disait l’Angleterre aux colons, une si haute idée que je vous crois aussi très capables d’imposer à coups de victoires votre gouvernement aux sauvages, et que je vous refuse absolument mon aide. Or l’unique force coloniale alors disponible, la seule sérieuse, du moins, était un corps de police monté, à l’effectif d’un bataillon, éparpillé sur une frontière comme de Belfort à Metz. Les Xalékas ne manœuvraient pas précisément comme des Prussiens ; cependant, ils en surent assez pour rendre désagréables les escarmouches d’Ibéka et d’Oumzintzani. La police montée, appuyée de quelques francs-tireurs, ne se montra pas en mesure d’étouffer la rébellion ; une panique s’ensuivit. Des volontaires au nombre d’un millier répondirent à l’appel du gouvernement ; mais le gouverneur, sir Bartle Frère, jugea indispensable de les faire soutenir par des soldats réguliers, deux bataillons, une section navale et de l’artillerie. Il fut approuvé à Londres parce que le pouvoir y avait changé de mains et la politique d’orientation. Lord Beaconsfield ne perdit pas cette occasion d’établir que le système d’un prédécesseur tenait mal ses promesses. Tout rentra dans l’ordre, et, subsidiairement, le premier cabinet responsable paya de sa démission le premier fiasco militaire du régime autonome.

On pourrait dire, puisqu’on a vu la genèse de l’autonomie : « Ainsi fut le soir, ainsi fut le matin : ce fut le premier jour. »

Dans le cours de la session de 1878, le parlement vota un ensemble de mesures proposées pour la défense du pays. On refondit et augmenta la police montée, sous le nom de Cape mounted riflemen. On légiféra sur la milice, qui continua de s’appeler Burgher Wehr, comme à l’époque hollandaise ; Land Wehr aurait paru trop germanique. Tous les blancs, d’après cela, devaient le service de dix-huit ans à cinquante ans, avec les exceptions de rigueur. C’était admirable ; seulement, on se contentait de créer un corps de yeomanry, milice spéciale, sur la frontière de l’Est, et de réglementer l’institution d’une armée de volontaires sur le modèle