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de 1 contre 2 sur environ 700,000 âmes. La constitution de 1853 avait créé un large électorat politique, ouvert en principe aux gens de couleur. Ne risquons-nous pas, pensaient les colons d’origine hollandaise, de disparaître écrasés sous les masses compactes, illettrées, qu’on se propose sans doute de mettre en ligne contre nous ? Irons-nous abuser du concours des noirs, se disaient à leur tour les Anglais, et sommes-nous bien sûrs de saisir, de garder la suprématie à un autre prix ? .. Personne ne contestait, en théorie, la nécessité d’une réforme ; mais les uns voulaient, avant tout, réviser la constitution, restreindre le droit de suffrage, ou prendre au moins des sûretés sous forme de règlemens électoraux ; les autres ne voyaient de salut que dans la division du pays en deux ou trois provinces fédérées, et c’étaient les Anglais, désireux de regagner par leur supériorité dans l’Est une prépondérance qu’ils s’exposaient à perdre au sein de la colonie restant une. Le cabinet impérial encourageait les fédéralistes. Il recommandait à sir Henry Barkly une étude attentive de l’organisation du Dominion canadien. On sait que cette idée perçait déjà dans l’institution de la chambre haute. Voilà où en étaient les esprits lorsque, d’accord avec le gouverneur, un député de race britannique, M. Molteno, leader du parti libéral, proposa, en 1871, l’adoption du régime parlementaire, c’est-à-dire du principe de la responsabilité ministérielle. Sa motion, amendée après un vif débat et sur les instances de ses amis dans le sens du fédéralisme, fut combattue par les Hollandais et approuvée à la chambre des représentans, mais repoussée au conseil législatif. La majorité favorable, dans la chambre basse, avait été de 5 voix sur 57 votans, maigre succès.

On ne se laissa pas décourager, on travailla l’opinion, le bill fut réintroduit l’année suivante, et le projet de fédération, qui avait tout compromis, renvoyé à une commission d’enterrement.

Cependant l’opposition croissait. Quelqu’un, écrivant pour un gouvernement étranger, résumait ainsi la lutte des partis en présence :

« Nous sommes fatigués, disent les orateurs du parti libéral (anglais), d’être gouvernés exclusivement par des étrangers envoyés d’Angleterre, ne connaissant ni les lois, ni les habitudes de la colonie, n’ayant aucun intérêt qui les y attache, et que nous sommes forcés de subir, même lorsqu’ils ont perdu la confiance du pays et de la chambre. C’est surtout à l’établissement du régime responsable que le Canada, l’Australie, doivent leur prospérité : imitons-les. — Nous admettons, répond le parti conservateur (hollandais), le principe du gouvernement responsable, mais nous soutenons