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partielle ; à présent il voulait l’économie complète. Des nuages montaient sur l’Europe. L’Angleterre, avec son déficit, n’avait ni un homme, ni un écu à perdre pour guerroyer contre les noirs de l’Afrique du Sud ou subventionner des gens qui se moquaient d’elle. Ah ! ils le prenaient de si haut ! Soit. A eux de payer les violons, désormais. On méditait donc à Londres de se retirer du pays en ne gardant que la station navale ; et, naturellement, cette colonie, appelée à se suffire, devait passer par une école de home ride aussi sérieuse que possible. Il fallait l’habituer au régime d’un véritable État. Comme le meilleur et le mieux organisé des États, pour un Anglais, se trouve entre la Manche, la mer du Nord et l’Atlantique, lord John Russell n’aurait pas été bon Anglais en ne partant point du principe de deux chambres.

Hélas ! les maîtres les plus experts en l’art de rédiger des constitutions n’auraient pas réussi à produire pour l’Afrique australe une copie supportable du parlement de Westminster. On avait chargé de ce travail le gouverneur du Cap, sur avant-projet ; mais les choses traînèrent en longueur. A la veille seulement de la guerre de Crimée une envie croissante de rappeler toutes les garnisons dont le maintien ne paraîtrait pas absolument nécessaire hâta la solution promise. Ce ne fut pas l’œuvre du cabinet Russell, mais du ministère Aberdeen, où M. Gladstone prit un instant le portefeuille des colonies. Le projet renvoyé de Cape-Town et dûment remodifié obtint force de loi le 11 mars 1853. Les membres de la nouvelle législature tinrent leur première séance le 1er juillet 1854.

L’Assemblée (House of Assembly) ou chambre basse comptait quarante-six membres. Le conseil législatif, la chambre haute, quinze. Ces chiffres ont grossi depuis lors.

Les deux corps procédaient du même électoral dans des conditions différentes d’éligibilité. En dépit de quelques restrictions censitaires, le droit de suffrage équivalait presque, pour les blancs, au suffrage universel. Mais tout candidat au conseil législatif devait justifier d’une certaine fortune. Tentative bien maladroite pour donner une couleur d’aristocratie à ce sénat élu, car la limite fut fixée de telle manière que la plupart des simples députés auraient pu siéger dans l’autre enceinte et qu’on vit des sénateurs devenir pauvres à la suite de revers qui n’auraient pas même gêné un lord du royaume-uni. Une idée ingénieuse avait présidé, pourtant, à l’institution de cette chambre haute. Comme la diplomatie anglaise n’abandonnait nullement l’espoir de ramener un jour ou l’autre au giron de l’empire les républiques fondées par les émigrés boers, elle avait imaginé un embryon de congrès fédéral. N’avait-on pas, dans la colonie même, deux pays à fédérer, une province de l’Ouest, où dominait la race hollandaise, et une province de l’Est, plus