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nouvelles bouches à feu. Les pièces à chambre, particulièrement dans l’emploi des forts calibres, offraient sur les canons fondus d’un seul jet un grand avantage. La grosse artillerie avait alors une longueur de volée tout à fait exagérée. Un canon de 15 ou 16 pieds de long est infiniment plus commode à charger par la culasse que par la bouche, surtout à bord d’un vaisseau, où il est déjà si difficile de le maîtriser.

L’affût roulant ne fut pas adopté dès le premier jour. A l’exemple de ce qui se passait sur les galères, on posa au début, dans la marine à voiles, les canons sur des madriers glissant dans des coulisses. Ce n’est pas avant la première moitié du XVIe siècle, qu’on verra l’affût à roues apporter au maniement de l’artillerie navale des facilités ignorées jusqu’alors. On peut enfin jeter la pièce à droite et à gauche, pointer en un mot avec le canon, au lieu d’être obligé de pointer, comme autrefois, avec le navire. Ce chariot que le tir fait reculer et qu’on ramène, après avoir rechargé la pièce, au sabord, aura l’existence aussi longue que la marine qui, pendant trois cents ans, le promènera sur maint champ de bataille. Il ne disparaîtra qu’avec le vaisseau à voiles.

L’arc et l’arbalète ont peu à peu battu en retraite ; le canon n’est cependant pas la seule arme de jet dont il soit fait usage à bord des vaisseaux des Pays-Bas. Vous y remarquerez, dès les premières années du XVIe siècle, les mousquets et les doubles mousquets fixés dans des créneaux ou tournant sur des pivots de fer. Ce sont là les armes que les historiens néerlandais nous présentent sous les noms de bossen, handbussen, haaksen et haakbossen. On en garnit principalement les hunes. Les flèches à feu, connues sous le nom de raquettes, de rockets, de fusées, les pots à feu, les boulets creux remplis de poix, de résine, de soufre, de salpêtre, de poudre, ont pour objet de porter l’incendie à bord de l’ennemi, soit en s’accrochant aux voiles, soit en répandant leur contenu sur le pont.

L’eau et l’huile bouillante, les chausse-trapes, les piques de 14 et souvent même de 17 pieds de longueur, servaient à repousser l’abordage. Casque en tête, le cou, les cuisses, les bras protégés par des pièces d’armure, les soldats et les mariniers composant l’équipage combattaient avec le sabre, avec la hache, avec la masse d’armes, avec le bâton noueux garni de pointes de fer.

Montons à bord d’un de ces vaisseaux du XVe ou du XVIe siècle, au moment où nous le saurons prêt à quitter le port ; étudions avec soin son organisation intérieure ; nous verrons combien cette organisation diffère peu de celle que conservent encore aujourd’hui nos escadres. « Vous fault partir votre navyre en quatre, » écrivait dans un ouvrage dédié à l’empereur Charles-Quint, quand