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de la politique américaine. Telles qu’elles apparaissent cependant, elles sont, dans des conditions restreintes ou particulières si l’on veut, la continuation de la lutte. Elles mettent en jeu les mêmes passions, les mêmes intérêts. Elles sont un signe de plus du mouvement d’opinion qui s’accomplit, qui s’est révélé il y a un an aux États-Unis. À dire vrai, on ne voit pas que le mouvement d’opinion contre l’ultra-protectionnisme se soit sensiblement ralenti ou affaibli, en dépit de tous les efforts du parti républicain et du président Harrison lui-même pour le détourner, pour ressaisir leur popularité perdue. Les républicains ont épuisé leur tactique et leur éloquence pour faire croire que les élections de l’an passé n’avaient été qu’une surprise. Le nouveau scrutin est pour eux un mécompte de plus. On peut dire, sans doute, qu’ils ont quelques compensations. Celui qui a eu la singulière fortune d’attacher son nom au code protectionniste, M. Mac-Kinley, qui avait échoué aux élections du congrès, a réussi cette fois à se faire élire gouverneur de son État, l’Ohio ; mais ce n’est là, à ce qu’il semble, qu’un succès limité, peu décisif. Le succès de M. Mac-Kinley est peut-être dû en partie à des raisons personnelles et surtout, sans doute, à la faute de tactique que ses adversaires ont commise en compliquant leur programme, en y ajoutant une question contestée, la question de monnayage illimité de l’argent. Les républicains l’ont emporté ou ont gardé leurs positions dans quelques États comme la Pensylvanie. Les démocrates, pour leur part, ont eu de bien autres avantages et ont étendu leurs conquêtes. Ils ont triomphé dans le Massachusetts, dans l’Iowa, dans le New-Jersey, dans le Maryland, surtout dans l’état-empire, à New-York dont le vote était curieusement attendu et où leur candidat pour le poste de gouverneur, M. Flower, a eu 40,000 voix de majorité. De sorte que, sans avoir précisément le caractère foudroyant qu’il a eu aux élections de l’an passé, le mouvement antiprotectionniste semble continuer et persister, non sans rencontrer des résistances de la part des républicains qui sont au pouvoir, mais sans apparence de déviation. Il en est à ce qu’on pourrait appeler sa seconde étape, à sa seconde manifestation. Il reste une dernière étape, l’élection présidentielle qui se prépare.

Ces grands mouvemens publics ont cela de particulier et d’original aux États-Unis qu’en s’accomplissant dans les conditions de la plus vaste liberté ils ne peuvent cependant triompher du premier coup. Ils sont ralentis ou limités de toutes parts et ont à passer par une série d’épreuves avant d’arriver au succès. Ils sont d’autant plus décisifs quand ils persistent jusqu’au bout. Il est évident que, si après toutes les élections récentes, le prochain scrutin présidentiel ramène à la Maison-Blanche M. Cleveland ou tout autre représentant du parti démocrate, on ne pourra plus parler de surprise. L’opinion de la masse américaine se sera prononcée sous toutes les formes contre l’ultra-pro-