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fabriquent toutes sortes de machines, des navires très solides, des fusils à tir rapide ; aujourd’hui, l’Angleterre, la Russie et la Prusse ne sont pas plus puissantes qu’elle ; la France est, par conséquent, moins que rien.

O gens de l’Annam, comment avez-vous le cœur de suivre les pirates ! S’il en est parmi vous qui, par leur situation, sont obligés de demeurer encore à leur service, ils seront, le moment venu, traités avec modération. Ainsi son Excellence Hoang-Cao-Khai[1] et son entourage nous ont écrit pour obtenir leur soumission ; l’autorité supérieure est disposée à la leur accorder s’ils tiennent leur promesse de rendre des services pour racheter leurs fautes. Quant aux tirailleurs, aux gardes civils, etc., qui sont forcés de suivre les Français, s’il est vrai qu’ils sont traités avec quelque bienveillance, ils ne doivent pas perdre de vue qu’ils n’ont auprès d’eux aucun membre de leur famille ; que s’ils sont tués par une balle ou par une flèche ou s’ils meurent dans les régions insalubres, personne ne s’occupera des soins pieux de leur sépulture ; car les Français n’auront aucune considération pour les services rendus. Les soldats indigènes devront donc se concerter pour venir à nous : ceux qui auront trahi et auront tué des pirates français seront nommés Hup-Quan (adjudans) ; ceux qui nous auront fait enlever une position seront nommés Ianh-binh (colonels) ; ceux qui auront volé un fusil français seront nommés sergens.

Vous avez certainement eu connaissance que nous avons donné la vie sauve et permis de rentrer dans leurs foyers à tous ceux qui se sont rendus à nous lors des combats de Bang-Y et de Phuong-Lam (Cho-Bo) ; de même nous avons récompensé ceux qui nous ont servis et guidés dans ces affaires. Ces faits sont au su de tout le monde ; dans ces conditions, vous ne devez pas laisser passer cette occasion qui vous est offerte de venir vous ranger sous nos ordres.

Fait le premier jour du premier mois de la dix-septième année de Quang-Tu.


III. — ZONE DES HAUTES RÉGIONS DU TONKIN.

Entre le delta et la frontière de Chine s’étend un immense territoire, ayant cinq à six fois la superficie de ce dernier, et presque dépourvu de postes ; ceux-ci étant répartis d’une manière générale en bordure sur le delta et sur cette frontière.

Ce sont les Hautes-Régions ou Haut-Tonkin. A part quelques vallées fertiles, ces régions n’offrent qu’un sol maigre et rocheux, peu propre aux cultures, un système orographique tourmenté, difficile, fouillis de pitons boisés, de murailles nues et à pic, de

  1. Le vice-roi actuel du Tonkin.