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ordres de Baquedano, plus tard à Torata ; on lui reprochait toutefois les excès qu’il avait ordonnés ou laissé commettre par ses troupes à Mollendo et à Islay. Moins connu, Alzerreca avait une réputation de bravoure méritée, et Balmaceda comptait sur son zèle et son dévoûment.

Dès que le débarquement des congressistes fut connu, Balmaceda donna l’ordre de masser des troupes sur la rive gauche de l’Aconcagua pour s’opposer au passage de l’ennemi. Canto n’hésita cependant pas à le tenter, soutenu par l’artillerie de la flotte embossée dans la baie de Cosnon, et dont le tir prenait en écharpe le cours de la rivière. Couronnant de ses pièces de campagne les hauteurs auxquelles il s’adossait, il couvrait ses adversaires d’une double rangée de feux que le fort Callao et les batteries de la place, situés hors de portée, ne pouvaient éteindre. Il avait devant lui les avant-postes de l’armée de Balmaceda, dont les principaux corps occupaient en arrière la position de Viña-del-Mar, solidement appuyée au fort Callao et qui constituait une ligne redoutable de défense. Au fur et à mesure que les contingens appelés du nord et du sud arrivaient, on les dirigeait sur ce point, où se concentrait tout l’effort de la résistance. Au long de l’Aconcagua on ne comptait pas plus de 12,000 hommes en ligne.

Le combat s’ouvrit par une forte canonnade à couvert de laquelle le général Canto franchit la rivière, poussant vigoureusement devant lui les troupes balmacedistes, surprises par l’impétuosité de son attaque et inférieures en artillerie. Elles opéraient toutefois sur un terrain qu’elles connaissaient bien et, tout en reculant, profitaient habilement des moindres plissemens du sol pour se rallier et reprendre l’offensive. Dans la région accidentée et mamelonnée qui s’étend sur une longueur de plusieurs milles, entre l’Aconcagua et Viñn-del-Mar, leur résistance croissait à mesure qu’elles s’éloignaient de la portée du tir des hauteurs et de la flotte. Elles se repliaient en bon ordre sur Viña-del-Mar, et quand la nuit mit lin au combat, les bataillons de Canto durent s’arrêter devant 13,000 hommes de troupes fraîches, renforcés des combattans qu’ils refoulaient devant eux.

Cette première bataille était un succès pour les congressistes, mais ce succès était loin d’être décisif. Ils avaient franchi l’Aconcagua, rejeté l’ennemi sur Valparaiso, mais ici commençaient les difficultés sérieuses. Devant eux une armée supérieure en nombre et d’égale bravoure, couverte par un fort redoutable et par les batteries de Podetto, d’Andes et de Valparaiso, en cas d’échec, un embarquement difficile dans une baie étroite et sous le feu d’un ennemi victorieux, ne leur laissaient d’autre