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lieu le rétablissement du statu quo ne peut plus être considéré comme le but vers lequel nous tendons. Je suis d’accord avec lui sur ce point, et j’admets qu’un champ plus large nous est ouvert… » De quel statu quo M. Gladstone entendait-il parler ? Était-ce du régime politique conventionnellement institué avec la participation de toutes les puissances, ou bien des mesures d’ordre purement économique, de date plus récente, imposées au gouvernement égyptien par l’accord séparé de la France et de l’Angleterre ? M. Gladstone faisait certainement allusion à ce qu’on a appelé le condominium, cette entente des cabinets de Paris et de Londres qui avait fait, à l’un et à l’autre, une part égale dans les arrangemens pris en vue de relever la situation financière de l’Egypte et leur avait attribué une influence parallèle.

C’est dans la séance du 10 août que le Premier tenait ce langage énigmatique, et si la France, à ce moment, avait renoncé à prendre une part active dans les mesures de coercition, l’Angleterre n’en était encore qu’aux opérations préparatoires, et il n’était pas opportun de faire des déclarations plus explicites. Mais, trois semaines après, son armée remportait la victoire de Tell-el-Kébir, et le lu septembre elle s’emparait du Caire ; Arabi-Pacha était son prisonnier, et le khédive rentrait dans sa capitale entre deux haies formées par les vainqueurs. L’Egypte entière est désormais aux mains de la Grande-Bretagne, et elle peut, en toute liberté, aviser aux moyens de s’y établir à l’exclusion de toute autre puissance. Dès le lendemain, son ambassadeur à Constantinople fait savoir à la Porte « que la coopération armée de la Turquie a cessé d’être nécessaire, » accompagnant cette communication d’assurances amicales. Le gouvernement du sultan se montre reconnaissant des sentimens qui lui sont témoignés et n’insiste pas ; mais, avec cette prévoyance des faibles et des éprouvés, il exprime timidement le désir de savoir à quelle époque devra s’effectuer le départ des troupes anglaises[1]. Il ne fut fait aucune réponse à cette légitime insinuation, et lord Dufferin, qui avait fort habilement secondé son gouvernement à Constantinople, y ayant rempli sa tâche, fut désigné pour aller la reprendre et la continuer au Caire, avec les pleins pouvoirs de la reine. Quel pouvait être l’objet de sa nouvelle mission ? Il était évidemment chargé de poser les bases de la prépondérance exclusive de l’Angleterre, sinon de sa domination, en dégageant tout d’abord son gouvernement des arrangemens qui le liaient à la France.

Il avait été organisé, on s’en souvient, pour tirer le gouvernement égyptien de la situation où il s’était mis, deux institutions :

  1. Dépêches du marquis de Noailles. Voir notamment celle du 29 septembre 1882.