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A Margerie-Haucourt, la cavalerie s’est contentée de charger, vers neuf heures du matin, les escadrons du général Colbert, et quand le 5e corps s’est avancé pour prendre l’ennemi en flanc, les divisions indépendantes ne lui ont prêté aucun appui : personne au monde ne savait plus où elles étaient. A la bataille de Lignol-Colombey, aussitôt après le premier choc, la 1re division avait pareillement disparu, laissant les 5e et 6e corps complètement à découvert, c’est-à-dire à la merci de toutes les entreprises que la 5e division de cavalerie ennemie pouvait tenter sur eux, et dont l’idée, d’ailleurs, ne lui est même pas venue. Quel est cependant le rôle propre de la cavalerie après le combat ? N’est-il pas, dans toutes les théories, de former le rideau derrière lequel les autres troupes effectueront leurs mouvemens avec une sécurité relative ? Alors même qu’il n’y a point poursuite, le rôle actif de la cavalerie, qui doit commencer bien avant l’entrée en scène de tous les autres corps, ne doit-il pas continuer jusqu’à la dernière lueur du jour ? Avant le combat, la cavalerie est l’œil de l’armée ; l’œil n’a rien vu parce qu’il n’a point regardé. Après le combat, la cavalerie est le rideau de l’armée : le rideau n’a rien protégé, parce qu’il n’a même pas été tiré.

Que les fautes tactiques de la cavalerie apparaissent toujours sous une lumière plus crue que celles des autres armes, c’est une fatalité inhérente à son rôle même, mais qui n’excuse point ces fautes. Une division de cavalerie, au contraire d’une division d’infanterie, est, en effet, un tout qui reste toujours un, qui ne se disperse pas, qui ne saurait agir par pièces et morceaux : c’est le bloc par excellence, un boulet humain qui ne peut recevoir son impulsion que du général qui la commande et qui doit la lancer en avant. Les régimens qui composent la division ont beau être les plus fiers et les plus hardis du monde ; le tout ne vaut que par celui qui les emploie et si celui-là ne sait pas s’en servir, vos six beaux régimens sont perdus, annihilés ; leurs officiers auraient mieux fait de rester au quartier et leurs chevaux dans les écuries.

Pour que la cavalerie française soit ce qu’elle doit être, ce qu’elle fut avec Lassalle et Murat, ce qu’elle est en situation de redevenir du jour au lendemain, il lui faut des chefs. Le corps est admirable, c’est l’âme seule qui manque.

Les armes savantes et les services spéciaux n’appellent que peu d’observations et méritent les plus vifs éloges. La belle tenue et la mobilité de l’artillerie défient les plus difficiles critiques ; un sens très judicieux a présidé d’ordinaire au choix de ses emplacemens. Il faut observer seulement qu’il n’y a pas entre les différens corps, sur une partie cependant essentielle de la tactique de