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lui incombe, dépasse 3 millions. Il a été dépensé 8,110,028 fr. en subventions pour les écoles primaires, et 109 millions en subventions aux collèges et lycées de garçons et de filles, sans compter 34 millions d’avances faites par la caisse des écoles. Y a-t-il lieu, en présence de la situation financière actuelle, de persévérer dans cette voie de dépense à outrance ?

Il est vrai que tous ceux qui font entendre des conseils de prudence sont taxés de pessimisme, et on leur objecte comme une réfutation péremptoire le succès du dernier emprunt et la hausse continue de la rente. On oublie que les emprunts émis par M. Magnin et par M. Tirard ont été couverts, eux aussi, quatorze et quinze fois, et que, peu de temps après, ils sont tombés au-dessous de leur taux d’émission et ne se sont relevés que péniblement. Pareille mésaventure est arrivée à l’emprunt de 1891 : nul n’ignore combien la libération de cet emprunt est laborieuse, bien que les versemens à opérer aient été fractionnés et prudemment espacés. Cette libération eût été sérieusement compromise si le ministre des finances ne se fût décidé à autoriser la caisse des dépôts et consignations à acheter de nouvelles rentes pour le compte des caisses d’épargne. Or, des critiques rigoureux pourraient observer que l’achat de titres non libérés et d’une libération encore éloignée constitue un véritable achat à découvert, opération irrégulière de la part de la caisse. Qu’adviendrait-il si des événemens imprévus la contraignaient à consacrer toutes ses disponibilités aux demandes de remboursement qui lui seraient adressées ?

On peut demander, à ce propos, si l’absorption par les caisses d’épargne d’une masse considérable de rentes ne recèle pas un danger pour l’avenir. A l’heure actuelle, la caisse des dépôts et consignations possède, pour le compte des caisses d’épargne, 3 milliards 375 millions en rentes françaises, et elle en achète, tous les mois, en moyenne, pour 25 à 30 millions ; le chiffre de 4 milliards sera donc atteint à une date qu’on peut calculer. Les seuls arrérages d’une somme aussi énorme constituent un déboursé considérable : dans un jour de crise, le gouvernement, qui est le maître de la caisse des dépôts, ne sera-t-il pas tenté de donner à celle-ci du papier au lieu d’argent et de porter ainsi une atteinte sérieuse au prestige de la rente française ? Quant à l’impossibilité d’assurer le remboursement des dépôts, elle devient plus manifeste à mesure que la masse des versemens va croissant. Supposons qu’à la suite d’une panique ou de graves événemens, le quart seulement des dépôts soit réclamé, où la caisse des dépôts trouvera-t-elle de 450 à 500 millions ? Elle ne pourrait s’adresser qu’à la Banque de France pour un prêt gagé par son portefeuille ;