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de 1891, il faut faire la part de ces 39 millions d’impositions nouvelles dont l’exercice 1890 n’a pas profité. Le parlement commettrait une grave erreur, si, sur la loi de ces plus-values, il se laissait aller à recommencer l’expérience des dégrèvemens prématurés.

Grâce à 50 millions d’annulations, provenant des crédits excessifs que l’on avait accordés au ministère de la guerre et que ce ministère n’a pas dépensés, le budget de 1888 s’est réglé avec un excédent de 47 millions. Le budget de 1889, bien que le compte général des finances qui vient d’être présenté à la chambre accuse une insuffisance de recettes de 11,169,412 fr. 62, devrait à des ressources exceptionnelles et à 69 millions d’annulations un excédent de 24 millions. Pour l’exercice 1890, le ministre compte sur d’importantes annulations de crédit qui aboutiraient à un excédent d’une quarantaine de millions. Tout porte à croire que l’exercice 1891 se réglera également dans des conditions favorables, et le même espoir serait permis pour 1892 sans les expériences aventureuses que la commission du budget veut tenter. Toujours est-il que cette succession des trois budgets consécutifs, se réglant par des excédens, contrasterait avantageusement avec la longue période de budgets en déficit qui a si déplorablement accru la dette nationale. Il est seulement à regretter que cette amélioration ne soit pas le résultat du progrès naturel et normal du revenu public. Loin qu’il en soit ainsi, on doit constater que deux des sources les plus importantes de ce revenu, celles que l’on considère comme reflétant le plus exactement la situation générale du pays et le mouvement des affaires, l’enregistrement et le timbre, continuent à donner un produit moindre qu’il y a dix ans : il se trouve même que cette année, ils sont en baisse sur 1890. D’autres branches du revenu ne se relèvent que lentement. L’équilibre du budget serait demeuré une chimère sans l’énorme aggravation de charges qui a été imposée au pays. Les taxes nouvelles et les augmentations de taxes qui ont été établies depuis 1885 ne s’élèvent pas à moins de 260 millions, sans compter ce que donnera la nouvelle modification apportée à la législation sur les sucres. La commission, dans ses évaluations pour 1892, a inscrit les sucres indigènes pour 190 millions : ils figuraient pour 133 millions au budget de 1881, cet énorme écart de 57 millions dans la recette demandée à un seul impôt donne la mesure du fardeau dont il a fallu charger le pays pour réparer les brèches faites à la fortune publique par les prodigalités et les gaspillages d’une longue période d’affolement.

La France n’est pas encore au bout des sacrifices qui seront nécessaires. Malgré les 260 millions de taxes ou de surtaxes nouvelles, on eût été encore loin de l’équilibre sans le dernier emprunt dont le produit, après avoir acquitté les obligations sexennaires échues