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Panizzi, — Panizzi, le grand patriote et le grand érudit, qui a tant fait pour la cause italienne en Angleterre, et dont la mémoire est l’objet de tous les respects en Italie. Voici ce qu’il écrivait de Londres, British-Museum[1], 7 février 1859 :

« Vous me demandez ce que l’on pense ici de la guerre probable et des sentimens que l’on nourrit envers l’Italie. Ici, quoi qu’on en dise, ils sont, au fond, tous pour l’Autriche. Je ne veux pas dire cependant qu’ils iraient jusqu’à prendre part à la guerre. Il est naturel qu’ils veuillent la paix ; ils s’en trouvent bien et le statu quo leur convient à merveille : il est naturel aussi qu’ils aiment mieux une Autriche puissante, car l’Autriche est leur alliée naturelle contre la France et la Russie, seules puissances dont ils aient quelque chose à craindre………..

… Voici ce que je crois : l’aide de la France peut, comme vous dites, être fâcheuse ; cela n’est pas douteux. Mais que peut-on faire sans elle ? L’Italie est si malheureuse, qu’elle ne pourrait être pis même si, ce qu’à Dieu ne plaise, on était battu. Mais la France, après tout, outre qu’elle est une aide nécessaire, l’unique planche qui peut nous sauver du naufrage, peut aussi être une aide non fâcheuse. C’est un risque à courir, mais comment faire ? ..[2]. »

Je croirais superflu de chercher à démontrer que, sans le conflit qui a mené les armées franco-piémontaises victorieuses de Montebello à Solferino, les faits successifs qui ont, après Villafranca, achevé la libération et l’unification de la péninsule, n’auraient pu se produire.

Je crois, d’autre part, en avoir assez dit pour démontrer avec la clarté de l’évidence cette vérité : que, au moment des résolutions suprêmes, au moment où se préparait la guerre de 1859, l’Angleterre a tout fait pour empêcher cette guerre d’éclater. Il y a plus ; l’annonce de la déclaration de guerre souleva en Angleterre un torrent d’opinion dont la violence emporta le ministère tory, qui n’avait pas su le prévenir. Cette violence s’adressait surtout à la France, qui avait osé s’attaquer à la vieille alliée continentale de John Bull. Aussi, la couronne, cédant au courant de l’esprit public, s’empressa-t-elle de décréter d’office des dépenses considérables d’armemens, sans même attendre que fût élue la nouvelle chambre qui devait les sanctionner, et qui d’ailleurs poussa son approbation jusqu’à voter une notable augmentation des mêmes dépenses[3].

  1. Panizzi avait au British-Museum une situation importante que les Anglais lui avaient assignée en témoignage de sympathie pour sa personne et de considération pour ses talens. — Raison de plus, par conséquent, pour qu’il ne pût être porté à juger sévèrement leur attitude envers son pays.
  2. Voir Jessie-White Mario, Agostino Bertani e i suoi tempi, p. 309.
  3. Séance de la chambre des communes du 9 août 1859.