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souvent à les ramener ; il ne les contenait parfois qu’à demi, et il ne pouvait les empêcher de témoigner leur défiance, en refusant au ministère le renouvellement de la censure des journaux ou tout au moins en limitant ce renouvellement à trois mois. En réalité, l’antagonisme perçait à travers tout et à tout propos. Les modérés du gouvernement se défendaient contre l’invasion royaliste qui les pressait de toutes parts. Les royalistes, à leur tour, se plaignaient de n’avoir dans le ministère ni une représentation suffisante ni les garanties qu’ils réclamaient. Les dissentimens étaient dans la nature des choses !

Qu’en pouvait-il résulter si ce n’est une scission nouvelle ? L’expérience qu’on venait de tenter, une expérience de six mois, n’avait pas réussi. Aux premiers jours de juillet 1821, on se retrouvait en pleine crise ! Le moins qu’on put faire pour désarmer ou désintéresser les royalistes eût été de leur donner dans le pouvoir une part proportionnée à leur importance, — des ministères réels, effectifs à M. de Villèle, à M. Corbière, et le ministère de la guerre au maréchal Victor, duc de Bellune, fort engagé dans le royalisme, à la place de M. de Latour-Maubourg, éloigné des affaires par la maladie. M. de Richelieu, devant ces prétentions, hésitait, cédait, puis reculait encore. Le 27 juillet, M. de Villèle et M. Corbière se rendaient à Saint-Cloud pour prendre congé du roi qui renouvelait auprès d’eux se » instances. « Heureusement, écrit M. de Villèle dans ses notes familières, Corbière a été inexorable, car le roi, tendant les mains vers nous en suppliant, me mettait dans une position pénible. » Par déférence pour le roi, les deux ministres consentaient à avoir dans la journée avec M. de Richelieu une dernière entrevue qui restait sans résultat, — et le soir même, M. de Villèle était sur la route de Toulouse ! Il avait assez d’entrevues, de colloques pénibles, et, comme son ami Corbière qui partait de son côté, il avait hâte de se dérober à des négociations inutiles, à ce qu’il appelait dédaigneusement les « traitailleries. » Ils avaient choisi tous deux avec art leur moment ; ils se retiraient après avoir prouvé qu’ils pouvaient se prêter aux transactions, sans avoir compromis leur crédit dans leur parti et dans la chambre, en restant une réserve disponible pour la royauté. Par le fait même cependant, par cette retraite de M. de Villèle et de M. Corbière, que Chateaubriand complétait en quittant son ambassade de Berlin, le ministère se trouvait ramené à des conditions singulièrement difficiles. Le duc de Richelieu ne s’y méprenait pas et précisait avec une clairvoyance attristée cette situation, en écrivant à M. de Serre, alors au Mont-Dore. Il ne cachait pas ses regrets d’avoir perdu M. de Villèle, il regrettait beaucoup moins son « camarade, »