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Paris. Ainsi l’épargne française venait au secours des finances italiennes, mais indirectement, et, par conséquent, sans que le sentiment italien eût à lui en ouvrir un compte de gratitude.

Malheureusement un ordre d’idées aussi politique était peu susceptible d’être compris en France, tout au moins dès le premier abord ; et cependant c’était seulement tout de suite que son application eût pu être efficace. L’esprit français, surexcité par trois années de politique italienne agressive, ne voyait qu’une chose : la fin de la triple alliance. Il n’était pas assez calme pour voir en même temps les moyens de préparer cette fin. Il faisait bon accueil aux successeurs de M. Crispi ; il applaudissait à la hausse de la rente italienne qui avait salué leur avènement ; mais, dans son état actuel et jusqu’à ce qu’il eût eu le temps de raisonner plus politiquement ses impressions, il ne se prêtait guère à ce qu’on pût aller au-delà. En admettant que le gouvernement français eût lieu de prendre une initiative quelconque dans cette question des finances italiennes, je ne crois pas que, dans ce premier moment, il eût pu le faire. Il se serait heurté, dans la presse et peut-être aussi dans le parlement, à une explosion de mécontentement capable de mettre son existence en péril.


III

Y avait-il cependant des négociations financières entamées ? C’est ce qu’il serait difficile de préciser. Ce que l’on peut considérer comme acquis, c’est que, dans cet intervalle, les ministres italiens ont eu des conversations avec certain représentant de la haute banque française, qui leur aurait offert ses services à la condition que l’Italie déclarât son intention de sortir de la triple alliance ; ou à défaut de cette déclaration, qu’elle communiquât les clauses du traité qui la liait, afin que la France pût se convaincre, s’il y avait lieu, que ces clauses ne renfermaient aucun engagement par lequel elle eût à se croire menacée.

La première de ces conditions était peut-être excessive. Demander au cabinet de Rome de déclarer son intention de renoncer au pacte qui soudait, depuis huit ans, sa politique extérieure et militaire à celle des cabinets de Vienne et de Berlin ; le lui demander tandis que ce pacte le liait encore pour près d’un an et demi, c’était presque autant que lui suggérer de se déclarer infidèle au lien qu’il avait contracté. On comprend qu’un banquier, soucieux de ne point heurter le sentiment du public auquel, en cas d’affaire conclue, il doit, en dernière analyse, vendre contre argent les titres qui seront la résultante de l’affaire, ait cru prudent de poser