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donc, à la rigueur, ne rien prouver. Aussi les adversaires déclarés de la triple alliance, que la chambre comptait dans son sein, croyaient-ils devoir encore lui faire crédit de leur appui.

Néanmoins, deux semaines plus tard, le 1er mars, un article de l’Opinione, que rien, dans les circonstances présentes, n’eût semblé devoir motiver, refaisait l’historique de la déclaration de la guerre de 1870, en mettant résolument tous les torts du côté de la France. La teneur générale de cet article, si inattendu dans l’état d’apaisement où la chute de M. Crispi avait mis les esprits en France comme en Italie, tendait à établir qu’il était dans le tempérament français de provoquer, prochainement peut-être, une guerre dont l’Europe s’effraie à bon droit ; et sa conclusion était celle-ci : « Qu’est-ce, aujourd’hui, qui empêche ou tout au moins retarde cette lutte exterminatrice ? La triple alliance. Quiconque travaille à l’affaiblir ignore ce dont il peut se rendre coupable. C’est un sacrifice pour l’Italie, mais c’est un sacrifice qu’elle fait à la civilisation européenne, — et aussi à sa propre sûreté, comme à sa propre indépendance. »

L’Opinione est, à Rome, l’organe de la droite pure dont le représentant actuel le plus élevé préside le conseil des ministres et dirige le département des affaires extérieures. On s’alarma ; on crut à un ballon d’essai. Les ministres furent interrogés confidentiellement. On interrogea même M. le commandeur Grillo, directeur général de la Banque nationale, qui est propriétaire de la presque totalité des actions de l’Opinione. Partout la réponse fut identique. Ce journal, dont le directeur, M. le député Torraca, est un des partisans résolus de l’alliance germanique, avait agi de son propre mouvement ; le gouvernement n’y était pour rien.

L’on était à peine remis de cette alerte, lorsque, le 4 du même mois de mars, vint l’interpellation de M. le comte Ferrari (Luigi) posant ce principe que, dans un gouvernement parlementaire, les conventions internationales doivent être portées à la connaissance du parlement, et faisant au surplus une sévère critique du traité de la triple alliance, auquel il dénie la vertu, qu’on lui attribue, d’assurer la paix.

M. di Rudini commence par répondre aux critiques dirigées contre la triple alliance en elle-même ; il s’efforce de détromper ceux qui voudraient y voir un « instrument de guerre. » Quant à l’obligation de communiquer les traités au parlement, M. di Rudini regrette de ne pouvoir partager l’opinion de M. Ferrari. Son argumentation consiste à couvrir le secret du traité d’alliance de l’autorité royale ; et il cite l’article 5 du statut du royaume dont il lit le paragraphe suivant : « Le roi déclare la guerre ; il fait les traités de paix, d’alliance, de commerce et autres, et en donne connaissance