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mettre les Gascons en fuite. Les Bourguignons ont traité les Gascons comme le chat traite la souris. Beaucoup de Gascons ont été faits prisonniers, beaucoup se sont noyés, le reste s’est tiré le plus vite possible du jeu. Ainsi se comportait déjà, il y a un an, cette canaille sans foi, quand elle voulut secourir Saint-Quentin assiégé.

Maintenant, par la paix, la prospérité va renaître dans notre pays. Que la guerre s’éloigne avec honte : le temple de Janus est fermé. La rhétorique et la musique peuvent se livrer sans crainte à leurs amours plus purs.

On sait quelle fut à cette époque, dans les Flandres, l’influence des chambres de rhétorique, académies de village auxquelles, sous le manteau de la poésie, étaient dévolues, comme aujourd’hui à la presse quotidienne, la poursuite des abus et la satire des scandales. Toute la Hollande, toute la Zélande, tout le Brabant, toute la Flandre, toute la Gueldre, chantaient. On ne vit jamais peuple s’adonner avec une telle unanimité au culte des belles-lettres. L’esprit d’opposition qui a toujours fait le fond du caractère flamand y trouvait son compte. Les colonies américaines se détachèrent de la métropole anglaise aussitôt qu’elles n’eurent plus rien à craindre de la France ; les Flandres commencèrent à s’agiter quand les victoires de Saint-Quentin et de Gravelines eurent assuré la sécurité de leurs frontières. Ce fut alors que la présence des troupes espagnoles leur devint particulièrement odieuse.

Les villes de Flandre, on ne saurait trop le répéter, avaient toujours fait preuve d’un singulier penchant à la révolte. Quelle est la grande cité industrieuse que l’histoire pourrait nous montrer moins sage et moins respectueuse de son repos ? L’humeur turbulente des Flandres s’était trouvée d’ailleurs, dès le début du XVIe siècle, » attisée par les premières étincelles du grand incendie qui allait causer tant de ravages en Allemagne. A la prédication des indulgences venait alors de répondre, en Saxe, l’affichage des 95 propositions placardées sur la porte de l’église de Wittemberg. Le zèle imprudent du moine dominicain Tetzel avait engendré l’opposition inattendue du moine augustin Martin Luther. Si on eût bien sondé les motifs de cette résistance et du concours empressé qu’elle rencontra, on aurait probablement trouvé, chez l’apôtre, l’irritation de l’amour-propre blessé, chez la majeure partie de ses prosélytes une immense convoitise. De tout temps l’opulence a paru coupable : le clergé catholique, personne ne l’ignore, était puissamment riche. De tout temps aussi les plus basses passions ont fait pousser des fleurs sur leur fumier. Un mélange de foi et de brutalité farouche entretenu par le secret besoin de détruire, par la recherche