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Quant aux bouffonneries de la parade, une lettre de Collé à Mlle Leduc donne une idée très claire du jargon spécial qui est propre à ce genre. « Vous m’excuserais, si vous plaît, mamzelle, si l’reste de c’te lett’-ci n’a pas t’un certain stile élégant, c’est que, su vot’ respect, je l’écris bonnement et comm’ ça m’vient. Zil ne s’agit donc plus que de r’mercier Son Altesse de ses bontés qui ont zété si grandes en mon endroit, que quand j’dirais qu’elles ont été extrêmes, ignia là personne pour me démentir, ou faudrait que ce fut zune bête qui n’ait rien vu de ce qui s’a passé, pas vrai ? — Or qu’est-ce qui résulte de là ? Je m’en va t’avoir l’honneur de vous l’dire, mamzelle ; c’est que comme j’suis t’un bon cœur, ma reconnaissance pour Mgr le prince sera zéternelle ; c’est-zàdire qu’elle durera non-seulement jusqu’à la fin finale de mes jours, mais t’encore par delà s’il y a pied ; car faut toujours mettre ste condition-là, ça n’fait point d’mal.

« Quoique j’sois philosophe comme z’un chien, ca n’m’a pas empêché d’avoir des attaques d’amour-propre sur ma pièce ; mais si zelle a évu du succès, je l’dois t’encore plus t’aux acteurs que za la pièce, rapport zà ce qu’ceux qui l’ont jouée sont des comédiens pareils aux Roscius des Grecs ; et zils sont bien différens des comédiens français d’astheure qui sont tous des Rosces modernes. Je n’parle point là des comédiennes qui, zau contraire sont succulentes au Théâtre-Français, pisque les anciens n’se sont jamais servi d’femmes en plein théâtre, mais tant seulment d’hommes ; c’qu’est cause, zà mon avis q’saint Augustin a condamné les espectaques rapport za c’t’infamie. »

Dans la troupe de Berny, comme dans les autres grandes troupes de société, chaque acteur a son emploi, selon ses aptitudes ou ses prétentions. Ainsi Clermont joue : les paysans, rôles à manteau sérieux, financiers ; M. de Montazet : les amoureux sensés, les amis ; M. des Soupirs : les rôles chantans de comédie ou d’opéra ; M. Dromgold : les amoureux, les baillis, les Gilles braillards dans les comédies poissardes ; M. du Blaizel : les grands et petits amoureux ; le baron de Ray : les paysans, les valets, les pères, les grisons, les ivrognes ; Laujon : les valets, les marquis ridicules, les Crispins, les niais, les Isabelles dans les parades, les abbés, les robins et les rôles de charge ; Mlle Leduc cadette (l’Altesse) : les meunières, les soubrettes, les coquettes ridicules, les Cassandres dans les parades ; Mlle Lamy : les premières amoureuses. MM. de Fumel, de Polignac, de Varenne, de Boulainvilliers, de Bonnac, d’Aiguirandes, de Laurès, prenaient part à ces divertissemens où ils coudoyaient acteurs et actrices de profession, alors comme aujourd’hui fort à la mode dans les salons, plus encore dans les boudoirs. On sait les succès de Gélyotte, de Chassé, la