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Examinons un peu le style et l’orthographe de cet étrange académicien, qui n’eut que des commencemens, et s’arrêta au seuil de toutes choses. Une orthographe fantaisiste, digne de la duchesse de Chaulnes, défaut très commun alors chez les gens de qualité, brouillés en quelque sorte par droit de naissance avec les règles de la syntaxe, science roturière et de mince intérêt.. Voici comme Clermont orthographie un billet à son général en chef, Maurice de Saxe, qui, sans écrire plus correctement, songea aussi à l’Académie : « A Cedan, le 7 avrille 1747 : Je vient dariver monsieur le maréchal et me voila prêt a exequter les ordres que vous voudres bien madresser personne ne peut les suivres avec plus de désir de remplir exactement vaux intentions que moy parce que personne ne vous eime M. le maréchal plus tendrement que L… » Un style débraillé, style de décadence et de parade, où plaisanteries populaires, images triviales, locutions communes, semblent s’être donné rendez-vous, qui, à lui seul, confesse un abîme entre la société de la duchesse du Maine et celle de l’abbé de Saint-Germain-des-Prés : « 12 juillet 1747 : Je vous remercie, pays, du compliment que vous me faites sur la dernière bataille, écrit-il à un de ses amis. Je m’y suis démené comme un diable dans un bénitier, et j’ose dire que mes peines n’ont point été inutiles. J’étais goutteux comme un vieux braque ; cela ne m’a pas empêché d’être alerte comme un… de noce (ici un mot ordurier)… Je crois qu’on en dit de bonnes à l’arbre de Cracovie (au Palais-Royal, où se tenaient les faiseurs de nouvelles). Je voudrais bien être sur une des chaises de la brune, à côté de toutes les perruques rousses, pour entendre le haricot qu’ils font de nous tous, et aussi pour y voir passer des paniers. Je crois que cela me réjouirait le blanc de l’œil. Faites mes complimens à tout le monde, dites-leur que je me porte comme le Pont-Neuf ou le Port-Royal, selon que vous jugerez celui des deux qui se porte le mieux ; ce sera certainement comme celui-là que je me porte. J’ai fait l’acquisition de deux corbeaux qui sont gros comme des dindons, qui sont noirs comme des taupes, et qui se battent comme deux diables… Ils viennent de faire la paix sans mon entremise ; mais voilà ma martre qui veut manger ma pie ; ces diables d’animaux-là me feront tourner la tête, ce qui fait voir combien il est difficile de concilier les différentes nations. » Mais n’admirez-vous pas ce chef de corps d’armée qui traîne en campagne toute une ménagerie, sans doute