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Le 1er janvier 1872 avait eu lieu l’incorporation définitive de l’Alsace-Lorraine au Zollverein allemand, avec toutes les conséquences au point de vue de la législation douanière et économique. La transition ne s’opéra pas sans peser lourdement sur le commerce et l’industrie, privés tout à coup de débouchés anciens et obligés de s’en créer de nouveaux. Cette incorporation des deux provinces fut également suivie de la mise en vigueur des lois allemandes, du code de commerce allemand qui dînerait sous certains rapports de la législation française.

Sur un point notamment, il y avait une divergence accusée : la Banque de Prusse ne put désormais plus escompter les billets à ordre et les mandats non acceptables, lettres de change imparfaites, que ne reconnaît pas la loi allemande. Cependant dans les transactions du petit commerce, la forme du billet à ordre avait pris racine sous le régime français, et elle s’est maintenue, bien qu’elle soit exclue de l’escompte. Les fabricans, les banquiers, les maisons allemandes se servent de la lettre de change, libellée d’après les exigences légales. Par suite de ce formalisme, la Banque de Prusse perdit une partie de l’escompte que pratiquait la Banque de France, et ce papier resta dans les mains des banquiers ou des banques privées.

La Banque de Prusse a fonctionné en Alsace-Lorraine de 1871 à 1875. Les circonstances anormales dans lesquelles elle s’y établit, la disparition des succursales de la Banque de France, le besoin général de crédit, lui procurèrent au début un mouvement 1res considérable d’affaires : en 1872, les trois succursales achetèrent pour 171 millions de marks d’effets ; 1873, 201 millions ; 1874, 189 millions ; 1875, 153 millions. Les bénéfices réalisés furent 668,000 marks en 1872, 821,000 marks en 1873, 505,000 marks en 1874, 403,000 marks en 1875.

Dans les premières années, la Banque de Prusse n’avait presque pas de concurrence ; celle-ci se développa progressivement.

En 1872 et 1873, l’Allemagne fut en proie à une spéculation effrénée, qui aboutit à une crise violente et prolongée : l’Alsace-Lorraine y échappa.

En 1875, la Banque de Prusse disparut ; elle fut remplacée par la Banque d’Allemagne, organisée sous la tutelle de l’empire, sur des bases plus larges, et qui est devenue davantage le réservoir central de la circulation monétaire, fiduciaire et du crédit chez nos voisins.

Les comptoirs de la Banque d’Allemagne se subdivisent en sièges principaux (Reichsbank-Hauptstellen), en sièges ordinaires (Reichsbank-Stellen) et en simples succursales et commandites.