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l’empire, à mesure que les choses s’aggravaient, il s’était vu engagé dans une résistance assez vive aux vexations, aux réquisitions arbitraires qui accablaient la contrée. Était-ce l’opposition d’un royalisme renaissant ? Sa famille sans doute était restée royaliste de sentiment, de tradition ; il l’était lui-même de souvenir, en homme qui avait fait ses premières armes sous Louis XVI. Il était royaliste comme on pouvait l’être sous un régime de silence, et dans un temps extraordinaire, où depuis de longues années on n’avait plus de nouvelles de la famille royale, où l’on ne savait pas même, c’est lui qui le dit, ce qu’étaient devenus les princes, « si le duc d’Angoulême avait des enfans ! »

C’est la catastrophe de l’empire qui rendait la vie à ce royalisme si longtemps comprimé en lui donnant un but, qui multipliait surtout les royalistes du lendemain, parmi ces populations du midi aux passions ardentes et inconstantes, prêtes à se jeter dans tous les excès, jusqu’à recevoir, après la bataille de Toulouse, les Anglais comme des libérateurs. M. de Villèle, sans être insensible à l’invasion étrangère, n’avait pas été des derniers dans ce mouvement royaliste plus instinctif que réfléchi. Il n’avait eu cependant à la première restauration aucun rôle public, si ce n’est par ces Observations qu’il avait publiées contre la charte, — avant que la charte fût un acte souverain du roi Louis XVIII[1]. À la seconde restauration, il avait été appelé presque aussitôt à la mairie de Toulouse. C’est comme maire d’une ville exaltée dans son royalisme, qu’il recevait le duc et la duchesse d’Angoulême au mois d’août, quelques jours après la seconde rentrée du roi. C’est aussi comme maire qu’il assistait, malheureusement impuissant, à une des premières scènes des réactions sanglantes qui envahissaient déjà le midi, au meurtre du général Ramel. C’est comme maire enfin qu’il était nommé député dans l’élection de la chambre en 1815. Qu’est-ce que M. de Villèle, à ce moment ? C’est un gentilhomme rural tiré de son obscurité par les événemens et poussé par un courant imprévu sur la scène publique, un royaliste aux idées encore peu coordonnées, mêlant à des réminiscences d’ancien régime je ne sais quel accent du terroir, un provincialisme assez prononcé. Il trouve toute simple une pétition de ses compatriotes du Languedoc demandant à « reprendre leur nom, leurs limites, leur administration provinciale, » et il est un peu confus quand M. le duc d’Angoulême répond à ces revendications naïvement surannées qu’on

  1. C’est ce qu’il disait très nettement plus tard, lorsqu’on l’accusait d’être un ennemi de la charte. Il expliquait sans embarras qu’il avait pu avoir ses opinions avant la promulgation de la charte, mais que depuis cette promulgation il n’avait plus été que le serviteur de la loi du pays.