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l’administration des douanes. » Il se présentait avec une dénomination modeste : bill pour simplifier les lois relatives au recouvrement des taxes ; tel est le titre que lui donne la traduction qu’en fit faire chez nous en juillet dernier le ministre compétent pour l’adresser à nos chambres de commerce.

Avant même que cette pièce tout à fait remarquable de législation économique fût connue dans toutes ses clauses, le peu que l’on en avait appris par les dépêches plongeait le commerce européen dans une grande stupeur. Le bill aurait pu avoir comme épigraphe : tous les fabricans européens qui envoient des marchandises aux États-Unis sont des malfaiteurs ; tous les commissionnaires et consignataires qui, dans les ports des États-Unis, aident à l’introduction de ces marchandises, sont des scélérats. Nous n’exagérons rien. Des pénalités comme celles qu’édicté ce bill, amendes de 5,000 dollars et deux ans d’emprisonnement, ne peuvent évidemment viser que des scélérats et des malfaiteurs et non d’honnêtes négocians, alors même que ceux-ci eussent commis des erreurs de déclaration.

« A considérer les bills Mac-Kinley, dit un journal américain, non pas dans leur portée économique abstraite, dans la relation qu’ils peuvent avoir avec les données admises et les principes reconnus de la science économique, mais dans la contexture de la plupart de leurs clauses, et dans les intentions apparentes qui s’accusent dans mille détails de la rédaction, il semblerait que la majorité de la chambre des représentans et du sénat, de cette législature du pays le plus riche et le plus prospère du monde entier, se soit exclusivement inspirée de cette pensée étrange que l’importation de marchandises étrangères est un trafic immoral, et que les négocians qui s’y livrent, fabricans dans les pays d’origine et importateurs à New-York ou à Philadelphie, sont ipso facto ou sont bien près d’être des criminels. »

Il faut dire, à la décharge des auteurs du bill sur la réglementation des douanes, que le gouvernement fédéral était avisé depuis des années qu’il se commettait, à l’entrée des marchandises, des fraudes colossales, infligeant au trésor des pertes que l’état de prospérité des États-Unis leur permettait de supporter sans trop d’impatience, mais qui n’en étaient pas moins des

L’objet essentiel du bill est de prévenir les fausses déclarations sur la nature et sur la valeur des marchandises. On ne saurait blâmer le trésor américain de ne plus vouloir se laisser voler, mais on se demande avec un étonnement profond à quel point les choses ont dû arriver, pour que le législateur ait cru devoir imaginer, en vue de le protéger, un pareil réseau de formalités obligatoires, établies