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6 août 1811) ; en outre, elle me donnait l’espoir d’être bientôt échangé. Je crus devoir communiquer cette lettre au général anglais Cook et lui représenter que je n’étais pas traité comme un officier prisonnier de guerre, mais comme un malfaiteur.

Le 6 novembre, milord Proby, commandant supérieur à Cadix, vint me voir de la part du général en chef. Il m’assura que c’était contrairement à ses intentions que l’on m’avait traité si durement. Il me dit que je pouvais écrire à l’armée française afin de presser mon échange, sans quoi je ne tarderais pas à partir pour l’Angleterre.

Dès le matin, on avait retiré la sentinelle de ma porte, elle fut replacée après le départ de cet officier. Je crus que c’était un malentendu. J’écrivis à lord Proby. Il me répondit qu’il s’était probablement mal expliqué, dans une langue dont il n’avait pas l’habitude (j’avais reconnu cependant qu’il parlait très bien le français), qu’il avait entendu que je pourrais me promener dans la cour de la caserne, mais toujours accompagné d’un soldat armé. (Je reconnus là la duplicité anglaise.) Je me confinai dans ma chambre, ou, pour mieux dire, dans mon cachot. Je passais mes journées à lire des livres que me prêtaient les officiers anglais, à faire de la musique, à regarder la baie de Cadix à travers les barreaux de fer dont l’embrasure de ma casemate était garnie. J’aurais bien voulu réclamer l’argent que j’avais remis au négociant, mais je craignais de compromettre un honnête homme. N’en entendant pas parler, j’avais parfois l’idée qu’il avait bien pu lui-même me trahir pour s’approprier mon argent.

Le 8 novembre, je reçus, de l’armée, des lettres qui me comblèrent de joie. Le général Sémélé me marquait que le maréchal Victor offrait, pour mon échange, un officier et quatre marins anglais. Ma joie fut de courte durée. J’appris, le lendemain, que le général Cook n’acceptait pas la proposition du maréchal, attendu qu’il s’agissait d’un maître d’équipage et de quatre matelots d’un vaisseau marchand. Le colonel marquis de Wateville vint lui-même m’apporter cette désagréable nouvelle. J’écrivis aussitôt à l’état-major de l’armée pour essayer une dernière tentative.

Mon domestique, étant sorti pour des achats d’alimens, rencontra un homme qui lui demanda s’il n’était pas au service d’un colonel français, blessé et prisonnier. Sur sa réponse affirmative et après lui avoir fait quelques autres questions, cet homme lui dit que je l’avais chargé de m’acheter du drap pour m’habiller et il lui demanda de le suivre ; mais le soldat anglais qui accompagnait partout mon domestique s’y opposait. Heureusement M. Harpour, officier du 67e régiment anglais, vint à passer dans le moment.