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Pasquin est le président Hénault, bonne caillette, quoique avec l’esprit des belles-lettres, etc. Ainsi l’on doit dire : mutato nomine de te fabula narratur. » On voit, d’après ce passage de d’Argenson, que l’idée du roman à clef ne date pas d’hier, il a même des origines beaucoup plus anciennes, le Roman de la Rose, les fabliaux du moyen âge. Jamais on n’empêchera l’écrivain de s’inspirer du milieu où il vit, des personnages qu’il coudoie, et n’est-ce pas une des conditions essentielles du talent : un point de départ véritable, duquel l’imagination s’élance pour composer un être fictif, un canevas sur lequel l’auteur brode ses arabesques ? Prendre à celui-ci un trait de caractère, à celui-là une parole, évoquer un paysage, rapporter en le transposant tel ou tel fait, ce n’est pas copier, ni démarquer, c’est proprement créer. Ici comme partout, c’est affaire de mesure, de tact ; tant pis si les malins cherchent la petite bête, dépassent ou dénaturent la pensée de l’artiste.

Il semblait que la musique ne dût pas réussir comme le reste. Au premier opéra qu’on donna, on vit le roi bâiller et on l’entendit dire à un de ses voisins : « J’aimerais mieux la comédie. » Mme de Pompadour persiste, elle triomphe, et le 13 janvier 1750, sa troupe représente le plus bel opéra qu’elle ait joué sous le rapport des décorations : le Prince de Noisy, paroles de La Bruère, musique de Rebel et Francœur. L’intrigue, fort simple, servait de cadre à des ballets exécutés avec beaucoup d’ensemble. Poinçon-Pompadour, et l’énorme géant Moulineau se disputent la main de la princesse Alix, fille d’un druide : au premier acte, fête du gui sacré, au second, un jeu de machines faisant descendre du haut du théâtre des gerbes de fleurs dont le parfum endort le géant, que le petit Poinçon tue pendant son sommeil. Au troisième acte, le temple de la Vérité, où les deux amans viennent consulter l’oracle, et pour terminer, un changement à vue ; Alix et le petit Poinçon, reconnu prince de Noisy, prenant place sur un trône, dans une apothéose de lumières et de pierreries[1].

Une autre fois, dans Acis et Galatée de Lulli, Pompadour-Galatée était ainsi mise : grande jupe de taffetas blanc, peinte en roseau, coquillages et jets d’eau avec broderie et frisé d’argent, bordée d’un réseau argent chenille vert ; corset de taffetas rose tendre ; grande draperie, drapée de gaze d’eau, argent et vert à petites raies, avec armures d’autre gaze d’eau, bracelets et ornemens du corps de la même gaze d’eau garnis de réseau argent chenille vert ; la mante, de gaze verte et argent à petites raies, bordée de bouffettes d’une autre gaze d’eau ; la mante et la

  1. Manuscrit de la Bibliothèque de l’Arsenal. — Magasin pittoresque de 1842.