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son oncle et lui ont prêté leur concours pour la construction de mangonneaux, lançant des pierres de 300 livres, les ingénieurs tartares et chinois étant incapables d’en faire autant.

Cependant on rencontre à la même époque en Chine la mention de pots à feu, semblables à ceux des Arabes, et celle de la lance à feu impétueux, longue tige de bambou dans laquelle on introduisait « un nid de grains », c’est-à-dire des morceaux de roche à feu, qui étaient lancés avec flamme et bruit, lorsqu’on mettait le feu à l’appareil. Mais ces instrumens ou les équivalons étaient connus des Arabes à la même époque. On ne saurait guère attribuer aux Chinois autre chose que l’invention des feux d’artifice.

Cette invention même a donné lieu à une curieuse réclamation de priorité en faveur des anciens, réclamation fondée sur un passage de Claudien. Dans son poème sur le consulat de Fl. Mallius Théodore, on lit les vers suivans :


Inque chori speciem spargentes ardua flammas
Scena rotet, varios effingat Mulciber orbes
Per tabulas impune vagus, pictæque citato
Ludent igne trabes et non permissa morari
Fida per innocuas errent incendia turres.


« Sur le haut de la scène que des flammes projetées soient promenées en cercle ; que Vulcain dessine des orbes variés, en parcourant les planches sans danger ; sur les solives peintes qu’un feu rapide se joue, et qu’un incendie docile erre sur les tours intactes, sans avoir le droit de s’y arrêter. »

Cette description n’a d’analogue chez aucun autre auteur ancien. On a cru y voir, tantôt un feu d’artifice fixé sur des planches, comme aujourd’hui ; tantôt des tableaux retracés avec un léger enduit de matières inflammables, et telles que la flamme allumée sur un point se propagerait ensuite, en reproduisant les dessins. Mais le feu d’artifice implique les compositions salpêtrées, inconnues au temps de Claudien, et des tableaux combustibles seraient bien difficiles à disposer sans danger d’incendie dans un théâtre ; à moins d’avoir recours à des matières phosphorescentes, qu’il ne serait pas aisé d’apercevoir à distance. Je serais plus porté à croire qu’il s’agit là simplement d’un effet d’optique, c’est-à-dire du reflet d’une flamme cachée, promené par le jeu d’un miroir mobile.

Revenons aux compositions incendiaires employées à la guerre par les musulmans. Si nous connaissons la formule exacte de leurs fusées, pois chiches et artifices nitratés, au contraire, la description de leurs feux grégeois est obscure et l’emploi du salpêtre n’y est pas clairement indiqué. Toutefois, il est impliqué dans