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annonçant sa démission. Toute réflexion faite, la démission n’est pas allée jusqu’à l’Elysée. Ainsi en quelques jours, au lendemain du 14 juillet, le ministère a été deux fois sur le point de disparaître, la chambre a été tout près d’ouvrir une crise de pouvoir qui n’eût point été assurément sans gravité !

Qu’est-ce que tout cela, sinon une parfaite incohérence de parlement et de gouvernement, — une incohérence dans les actions, suite de l’incohérence dans les idées ? — Il y aurait, dit-on, quelque secret dans ces inconstances de majorité, dans ces mouvemens de partis qui redeviennent plus sensibles depuis quelque temps. Tous les incidens qui ont éclaté coup sur coup sous les pas du ministère, qui l’autre jour donnaient à réfléchir à M. le président du conseil, ces incidens ne seraient que les signes d’un travail qui n’est pas encore arrivé à maturité, qui ne se dévoilerait qu’au retour des chambres, et tendrait à un remaniement ministériel. En d’autres termes, il y aurait une petite conspiration dont les maîtres dans l’art de conduire les intrigues ministérielles et parlementaires tiendraient les fils. C’est possible, tout est possible ; mais, en attendant, ce qu’il y a pour le moment de plus grave, c’est cet état moral où une assemblée qui prétend décider de tout n’est pas même maîtresse de ses impressions, où le premier venu peut engager les questions les plus périlleuses, où un ministère n’a pas assez d’autorité ou de résolution pour arrêter du premier coup des débats peut-être compromettans pour les intérêts du pays. Car enfin on ne sait pas ce que peuvent produire des entraînemens de discussion, des voies d’imprévoyance ou de surprise, des conflits, même des conflits diplomatiques provoqués à la légère. On ne le sait plus, on l’a oublié depuis 1870 ! Et détail curieux de ces confusions parlementaires ! ceux qui mènent cette campagne d’excitations et d’incidens tapageurs, se servant tour à tour des susceptibilités patriotiques ou des revendications ouvrières, ce sont les boulangistes suivis par les radicaux et même accompagnés au besoin des irréconciliables de la droite. M. Laur et M. Déroulède font une figure parmi les leaders des majorités de hasard ! On n’en serait pas là, convenez-en, si le gouvernement, au lieu de se mettre à la merci des mobilités d’une chambre qui ne sait pas elle-même ce qu’elle veut, faisait plus souvent sentir son autorité, gardait un sentiment plus vif de son rôle, de sa responsabilité devant le pays.

Une crise ministérielle, à l’heure qu’il est, n’aurait point été une solution, — elle n’eût été qu’un contre-temps de plus dans une situation déjà assez compliquée. Elle n’aurait, certes, dans tous les cas, ni simplifié ces questions de diplomatie imprudemment soulevées, ni contribué à apaiser cette grève bruyante, assez violente, qui, pendant quelques jours, autour du 14 juillet, a pu être un danger pour les affaires, peut-être même pour la paix publique. Cette fois, ce ne sont plus les