Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 106.djvu/694

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerriers. (IX, 1, proposition 1.) Dieu faisait la guerre pour son peuple du plus haut des deux, d’une façon extraordinaire et miraculeuse. (IX, 4, proposition 1.) Et on la retrouve enfin jusque dans les caractères qu’il assigne à l’autorité légitime, lesquels sont précisément ceux qu’il reconnaît et qu’il adore en Dieu : « Premièrement, l’autorité royale est sacrée ; secondement, elle est paternelle ; troisièmement, elle est absolue, — ce qui veut dire indépendante, — et quatrièmement, elle est soumise à la raison. » Ce sont là, comme on voit, les traits mêmes dont il a représenté la Providence, et le gouvernement des hommes n’est qu’une imitation de celui de Dieu sur le monde.

A la vérité, ce qui faisait à ses yeux la force de sa Politique est ce qui en fait aujourd’hui la faiblesse pour nous. Si nous sommes chrétiens, il nous faut d’autres garanties que la crainte de Dieu contre l’incrédulité du prince, ou, pour mieux dire, du souverain. À plus forte raison, si nous ne sommes pas chrétiens, nous en faut-il en ce cas contre l’excès de la piété même. Et Bossuet l’a bien senti, puisqu’il a essayé d’en trouver ou de nous en donner. C’est ainsi qu’il s’est efforcé de distinguer nettement le pouvoir absolu du pouvoir qu’il appelle arbitraire :


Quatre conditions accompagnent le gouvernement arbitraire :

Premièrement, les peuples sujets sont nés esclaves, c’est-à-dire vraiment serfs, et parmi eux il n’y a point de personnes libres ;

Secondement, on n’y possède rien en propriété, mais le fond appartient au prince, et il n’y a point de droit de succession, pas même de fils à père ;

Troisièmement, le prince a le droit de dissiper à son gré, non-seulement des biens, mais encore de la vie de ses sujets, comme on ferait des esclaves ;

Et, enfin, en quatrième lieu, il n’y a de loi que sa volonté. . . .


C’est autre chose que le gouvernement soit absolu et qu’il soit arbitraire. Il est absolu par rapport à la contrainte, n’y ayant aucune autorité capable de forcer le souverain, qui, en ce sens, est indépendant de toute autorité humaine. Mais il ne s’ensuit pas de là que le gouvernement soit arbitraire… C’est qu’il y a des lois dans les empires contre lesquelles tout ce qui se fait est nul de droit ; et il y a toujours ouverture à revenir contre, ou dans d’autres occasions ou dans d’autres temps.


Mais il a beau faire, le vice est toujours là, dans le caractère sacro-saint dont il investit le souverain, quel qu’il soit, prince ou peuple, république ou monarchie ; il est dans cette étroite et