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formation du dogme chrétien, on pourrait lui reprocher d’avoir omis de parler de l’influence des philosophes grecs, mais non pas dans un Discours sur l’histoire universelle ? Ici encore, la lacune est plus apparente que réelle, et la critique a pris le change, ou peut-être a-t-elle voulu nous le donner.

Je ne reviendrai pas, après cela, sur ce que j’ai déjà dit de l’omission de l’Inde et de la Chine dans le plan de l’Histoire universelle. On aura certainement remarqué ce que Bossuet en disait lui-même : « qu’il attendait qu’elles fussent éclaircies ; » et une fois éclaircies, j’ai tâché de montrer qu’il lui aurait été facile d’en envelopper l’histoire dans son Discours. Il eût encore pu, s’il eût voulu, les insérer au commencement de sa seconde partie, à l’endroit où il dit, un peu avant d’arriver à Moïse, que, « le monde que Dieu avait fait pour manifester sa puissance, était devenu un temple d’idoles. » La Chine surtout, avec la prodigieuse antiquité dont sa civilisation se vante, eût trouvé là sa place ; et l’Inde, un peu plus loin, au commencement de la troisième partie, quand il dit : « Je ne compterai pas ici parmi les grands empires celui de Bacchus ni celui d’Hercule, ces célèbres vainqueurs des Indes et de l’Orient. Leurs histoires n’ont rien de certain, leurs conquêtes n’ont rien suivi : il les faut laisser célébrer aux poètes, qui en ont fait le plus grand sujet de leurs fables. » Les scrupules du critique se mêlent dans cette phrase à l’impatience du philosophe. Et qui l’aurait enfin empêché, s’il avait cru devoir le faire, au début encore de sa deuxième partie, de nous conter la longue histoire de l’humanité primitive et de nous montrer, dans le barbare ou dans le sauvage, un Adam dégénéré de son institution première ? Mais il ne l’a pas fait, pour la raison que nous venons de dire, parce qu’il n’aimait pas à parler de ce qu’il savait mal, et puis, et surtout parce que rien n’était au fond moins nécessaire à son dessein.

Car, encore une fois, il s’agissait pour lui de prouver qu’il y a du divin dans l’histoire, ou plutôt, en un certain sens, que l’histoire est toute divine, et que, ce qu’il y a d’universel en elle, c’est précisément ce caractère de divinité. Otons-le, tout s’y brouille, tout s’y confond, tout s’y obscurcit ; et la connaissance de son long passé ne sert à l’homme que pour le convaincre de sa perversité, de son impuissance, et de l’inutilité de la vie. Mais, posons-le, tout s’éclaircit, tout s’ordonne, tout dans l’histoire tend vers une fin, qui devient ainsi notre raison d’être et notre loi. Que fait à une démonstration de ce genre le nombre des exemples dont on l’autorise ou dont on l’appuie ? La qualité seule en est de quelque prix, et non la quantité. Si la Providence peut se démontrer par l’histoire, une seule histoire y pourrait suffire ; et au fait Bossuet n’en a vraiment exposé qu’une : c’est celle du « peuple de Dieu, » dans