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langues orientales, » est l’auteur du premier catalogue des manuscrits hébraïques, syriaques, samaritains et arméniens de la Bibliothèque nationale.

Là, dans ces quelques chapitres, est le centre du Discours, et là aussi toute la force de l’argumentation de Bossuet.


Dieu a réservé à son Écriture une marque de divinité qui ne souffre aucune atteinte. C’est le rapport des deux Testamens.

On ne dispute pas que l’Ancien-Testament ne soit écrit devant le Nouveau… Il n’en faut pas davantage. Par le rapport des deux Testamens, on prouve que l’un et l’autre est divin. Ils ont tous deux le même dessein et la même suite : l’un prépare la voie à la perfection que l’autre montre à découvert, l’un pose le fondement et l’autre achève l’édifice, en un mot l’un prédit ce que l’autre fait voir accompli.

Ainsi, tous les temps sont unis ensemble, et un dessein éternel de la divine Providence nous est révélé. La tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font ensemble qu’une même suite de religion, et les Écritures des deux Testamens ne font aussi qu’un même corps et un même livre.


Et, assurément, c’est ce que tous les chrétiens savaient ou croyaient comme lui, mais c’est ce que personne avant lui n’avait dit avec autant d’autorité.

Aussi est-ce à ce point précis du Discours que s’en rattache la troisième partie, la seule ou à peu près qu’on lise de nos jours, et dont il est bien certain qu’il demeure debout des chapitres entiers, mais dont l’ensemble échappe, si l’on ne connaît pas et que l’on n’ait pas bien compris la seconde. Parmi le fracas des grands empires qui s’écroulent les uns sur les autres, c’est la perpétuité de la religion oui fait aux yeux de Bossuet la preuve de sa divinité, mais cette perpétuité même ne saurait résulter que du « rapport des deux Testamens. » Si Jésus n’est pas le Messie promis par les prophètes, ce n’est plus pour lui préparer les voies que Rome a conquis, pacifié, et unifié le monde ; — et la philosophie de l’histoire s’évanouit, pour ainsi parler, avec la divinité du Christ. Mais si les prophètes n’ont pas annoncé le Christ, en ce cas Spinosa dit vrai, il n’y a pas eu de peuple « élu de Dieu ; » — et avec leur inspiration qui cesse d’être divine, c’est la Providence, puisque c’est Dieu lui-même qui se retire du monde, loin des affaires humaines, loin de la créature, dans la catégorie de l’idéal, disons : dans la région du rêve. Nous n’avons donc qu’un moyen de le retenir parmi nous, et c’est celui que Bossuet nous propose. In eo vivimus, movemur et sumus : il faut que Dieu soit partout ou qu’il ne soit nulle part ; que « son bras ne soit pas moins fort quand il se cache que quand il